La bière est bonne mais ce n’est pas pour ça que tu l’embrasses. Il y a juste eu un silence trop long et tu le combles ainsi. Puis vous n’osez pas vous regarder dans les yeux, alors vous finissez vos verres en fixant les chats qui se disputent la gamelle. Elle est pourtant vide. Ça doit être leur façon à eux de combler le silence. Tu n’y tiens plus, tu l’embrasses à nouveau. Cette fois, c’est un baiser langoureux, dégueulasse, bandant. D’ailleurs, tu bandes.
Vous ne cessez plus. Si c’était filmé, vous ne voudriez pas voir le film. La scène a quelque chose de grotesque. Vous deux, assis, vous roulant des pelles adolescentes. Bientôt vous baiserez. Tu as un peu peur. Tu as toujours peur au moment de coucher avec une fille. Et là, c’est une femme. Tout à l’heure, hier, elle a affirmé n’avoir jamais été mariée. Pour sûr, elle a dû avoir un nombre incalculable d’amants. Tu te demandes comment tu vas t’y prendre pour la faire jouir. Tu te demandes, plus généralement, si tu as déjà fait jouir quiconque. Vous allumez une cigarette.
Auteur:
Info: Une trajectoire exemplaire, éditions Gallimard, 2024, page 30
Commentaires: 0