La création n’est pas un changement, si ce n’est selon notre mode de concevoir. Car il appartient à la raison de changement qu’un même être se comporte de façon différente maintenant et auparavant. Dans certains cas, c’est le même être en acte qui a changé, comme dans les changements selon la qualité, la quantité et le lieu ; dans d’autres cas, c’est seulement le même être en puissance, comme dans les mutations selon la substance dont le sujet est la matière. Mais dans la création, qui produit toute la substance des choses, on ne peut saisir aucun élément identique qui diffère maintenant de l’état antérieur, si ce n’est seulement pour l’intelligence ; ainsi nous comprenons qu’une chose n’existait nullement d’abord, et qu’ensuite elle existe. Mais puisque activité et passivité se fondent dans la réalité commune du mouvement, et ne diffèrent que selon des relations diverses, dit Aristote, il s’ensuit forcément que, si l’on écarte le mouvement, il ne reste que des relations diverses dans l’être qui crée et dans celui qui est créé. Mais comme la manière de comprendre conditionne la manière de s’exprimer, la création est présentée à la manière d’un changement, et c’est pourquoi l’on dit que créer c’est faire quelque chose de rien. Cependant les termes "faire" et "être fait" sont ici mieux adaptés que "changer" et "être changé", car "faire" et "être fait" impliquent une relation de cause à effet et d’effet à cause, tandis que l’idée de changement ne s’y joint que par voie de conséquence.
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Info: Somme théologique, I, q.45, a.2
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