Chez Wittgenstein, au contraire, il ne saurait être question d’un défaut ou d’une inaptitude quelconque du langage, aucun langage ne peut être un langage sans l’être pleinement, sans posséder entièrement l’essence du langage, de tout langage ; et l’élément mystique n’est pas quelque chose qui se trouve être en dehors des possibilités d’expression du langage tel qu’il est : son existence découle immédiatement du fait même qu’il y a des possibilités d’expression, de l’existence même du langage, c’est-à-dire du fait qu’il y a des propositions douées de sens. […]
Le mysticisme traditionnel (entendu au sens le plus large) se fonde toujours implicitement sur l’idée qu’il manque quelque chose qui devrait pouvoir être dit lorsque le langage a dit tout ce qu’il peut dire, il implique que l’on puisse parler au moins une fois de la réalité sans passer par le langage, pour dire que le langage ne permet pas d’épuiser la réalité, qu’il laisse de côté quelque chose d’essentiel. C’est précisément ce que nie Wittgenstein : que l’on puisse par le langage situer les limites de la réalité au-delà des limites du langage, rompre momentanément la connexion nécessaire qui existe entre les éléments du langage et ceux de la réalité pour confronter globalement les ressources du langage avec celles de la réalité, ce que le langage peut dire avec ce qu’il a à dire. Le Tractatus nous interdit définitivement toute tentative de juger le langage de ce point de vue.
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Info: Wittgenstein : la rime et la raison, Les éditions de minuit, 1973, pages 56-57
Commentaires: 1
miguel
26.04.2025
impossible dépassement, secondéité résignée ?