Ta personne et ton esprit : notre mer des Sargasses !
Londres a déferlé autour de toi depuis tant d’années
Et des vaisseaux de lumière t’ont apporté en vrac :
Idées, vieux ragots, un vrai bazar,
D’étranges débris de savoir, trésors sans valeur.
De grands esprits t’ont recherchée – manquant à une autre.
Tu as toujours été dans leur ombre. Tragique ?
Non. Tu préférais cela au sort commun :
Un homme de plus en plus terne et soumis,
Un esprit moyen –une idée de moins par an.
Oh tu es patiente, je t’ai vue assise pendant
Des heures, attendant qu’à l’horizon surgisse quelque chose.
A présent tu paies, oui, tu paies grassement.
Tu es intéressante, on vient à toi
Et on repart bizarrement enrichi.
Trophées pêchés en mer ; quelque étrange suggestion ;
Un fait qui ne mène nulle part, un conte ou deux,
Gros de mandragores ou d’autre chose
Qui pourrait être utile mais ne l’est jamais,
Qui n’aide à rien, ne sert à rien,
Et ne trouve son heure dans la trame des jours :
Merveilleuses vieilleries, ternies, voyantes ;
Idoles et ambres et incrustations rares,
Voilà tes richesses, ton grand trésor, et pourtant
Malgré ce butin caduc de pirate,
Bois à moitié détrempés et meilleurs matériaux
Dans ce lent flot de lumière et de profondeurs variées,
Non ! il n’y a rien ! Rien de rien et de tout.
Rien qui soit vraiment à toi.
Pourtant ce rien, c’est toi.
Auteur:
Info: Portrait d'une femme in Poèmes, traduit de l’anglais par Michèle Pinson, Ghislain Sartoris et Alain Suied, Editions Gallimard, 1985, page 66
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