Qu’est-ce donc que la transmission du savoir et comment s’effectue-t-elle ?
Nous dirons, avec Aristote, qu’elle consiste dans la communication d’une forme intelligible à une intelligence, l’intelligence "prenant la forme" de tout ce qu’elle reçoit en elle, ou, en d’autres termes, étant informée par cet intelligible. La communication didactique est réussie lorsque la forme intelligible est reçue. Et elle est reçue lorsqu’elle est saisie intellectivement, c’est-à-dire lorsque son sens s’unit à l’intelligence comme l’acte propre de l’intelligence réceptrice.
Autrement dit, la forme intelligible est reçue – ô paradoxe ! – lorsqu’elle est produite. C’est ce qu’on appelle concevoir : ici la passivité s’unit à l’activité, l’extériorité – la forme vient du dehors – à l’intériorité – elle est engendrée par l’intelligence comprenante qui se comprend elle-même dans l’acte par lequel elle saisit l’intelligible. Prodigieux miracle, noble illumination ! Sous l’effet de l’acte didactique, l’intelligence s’éveille à sa propre fécondité : elle ne perçoit que ce qu’elle conçoit. Il n’y a pas d’acte plus intime et plus profond que celui-là, puisque c’est chaque fois l’intelligence tout entière, jusqu’à son essence la plus intérieure, qui est engagée dans chaque acte de compréhension. Et c’est pourquoi nul ne peut le faire à la place de personne, et aucun signe extérieur ne peut prouver qu’il a bien été accompli. La saisie intellectuelle est donc, par essence, souverainement libre ; elle échappe d’elle-même à toute détermination extérieure ; elle est inaccessible, inaliénable, improductible.
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Info: Tradition et modernité, L'Harmattan, Paris, 2023, pages 127-128
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