C’est une grande folie de croire que nous sommes aimés ou haïs pour nous-mêmes et d’attribuer à une élection personnelle des sentiments de bienveillance ou d’antipathie qui procèdent de causes essentiellement anonymes. Une femme tombe dans nos bras, et nous nous croyons orgueilleusement (comme si elle avait le choix !) "l’élu de son cœur". Mais ce n’est pas nous qu’elle aime : c’est un réceptacle pour son dévouement et un appui pour sa faiblesse. Elle nous quitte, et nous nous sentons électivement trahis. Mais ce n’est pas nous qu’elle rejette : c’est le résidu inassimilé de son amour.
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Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 60
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