religion chrétienne

Jusqu’au quinzième siècle, les multiples hérésies qui se sont élevées au sein du christianisme ont été essentiellement d’ordre doctrinal. Comme nous l’avons dit, l’hérésie consiste à choisir, parmi les vérités dont l’ensemble constitue le corpus dogmatique, celles que l’on accepte et celles que l’on rejette, ou que l’on modifie. La notion d’un corpus dogmatique est ici essentielle. Si la raison première de la foi, c’est l’autorité de Dieu révélant ce que nous devons croire, et à quoi notre raison ne saurait parvenir par elle-même, l’un des effets de cette origine unique et divine est de constituer l’ensemble des vérités en un tout organiquement lié, un corpus unifié, où se vérifie constamment la cohérence intrinsèque du dogme. […] Plutôt que par la démonstration de la fausseté propre de telle thèse hérétique, l’Eglise a vaincu par la démonstration de son incompatibilité avec le reste de la doctrine. Le corpus dogmatique a résisté par la force de sa propre homogénéité.

Or, il est remarquable d’observer que, pour divergentes qu’elles soient, ces hérésies s’accordaient implicitement sur un point : la foi était spontanément envisagée comme adhésion de l’intelligence à des vérités dont le contenu seul importait. L’adhésion elle-même, la part subjective qui conduit l’être humain à donner son assentiment, était en quelque sorte absorbée par son contenu, l’objet auquel on adhérait. C’était de lui qu’on débattait, c’était lui qui constituait la foi, catholique ou non catholique. Une telle conception de la foi-vérité se situe d’emblée à un niveau intellectuel dont nos contemporains semblent ne plus être capables. […]

Ainsi l’hérésiologie du premier type nous révèle-t-elle une conception de la foi essentiellement objective dans laquelle c’est l’intelligence, faculté de l’objectivité par excellence, qui joue le rôle essentiel ; rôle d’autant moins visible que l’intelligence est transparence et capacité naturelle de recevoir en nous autre chose que nous-mêmes. […]

[…] le mouvement de la Réforme inauguré par Luther [nous conduit à la] substitution de la foi subjective à la foi objective, de la foi fiduciale (foi-confiance) à la foi doctrinale, de la foi-sentiment à la foi-connaissance. Substitution qui ne pouvait qu’entraîner une relativisation radicale du corpus dogmatique et de son pouvoir de cohérence interne.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 37-39

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