Depuis le muet, le cinéma a perdu énormément. Le son, c'est une perte. Il faut comprendre que le son, c'est uniquement du son, pas le sens des paroles. Si un acteur récite le bottin, on fera attention à sa voix, à sa façon de bouger, à beaucoup de choses qui seront plus intéressantes et plus directes que le sens des paroles. Dès qu'il y a du sens, on s'éloigne des corps, des acteurs, de la vie... et donc du scénario. Dans les films muets, les dialogues sont d'une importance capitale, à cause non pas de leur sens, mais du rapport des acteurs à eux. Au montage, il nous arrivait souvent de remplacer le son par une musique quelconque, et tout devenait évident : la scène fonctionnait ou ne fonctionnait pas. Le son est un obstacle à la compréhension intime du film. En faisant réciter un texte de quelqu'un d'autre au personnage, en vidant le sens du texte, j'ai l'impression de me rapprocher un peu du cinéma muet.
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Info: Entretien paru dans "Positif", n°377, juin 1992
Commentaires: 2
miguel
02.07.2022
Je mets aussi le tag image-son, et pas le contraire, pour une raison évidente
Benslama
02.07.2022
j'ai proposé "vampirisation", car il me semble que c'est de cela que parle Desplechin : de la vampirisation de l'image par les dialogues, dans le cinéma parlant - si quelqu'un a une meilleur idée, ça m'intéresse...