La petite Maria Christine qui s'était dirigée à cloche-pied vers les écuries trouva le Torcol dans la pénombre. Assis sur son coffre il raccommodait une vieille sangle. Elle l'observa un moment puis se mit à parler de ce qui agitait et tourmentait son coeur.
- Sais-tu que mon père part à la guerre ?
- Oui, dit le Torcol. Et mon compagnon et moi partons avec lui.
- Alors vous serez trois, fit l'enfant qui compta sur ses doigts. Pourquoi partez-vous à trois comme les Rois mages ?
- Pour que l'un écoute quand les deux autres se taisent, expliqua le Torcol.
- Est-ce loin, la guerre ? demanda Maria Christine.
- Donne-moi une aune, que je mesure, dit le Torcol.
- Et quand revenez-vous ?
- Quand tu auras usé trois paires de petits souliers.
- Mais je veux savoir quel jour ! s'écria Maria Christine.
- Cours dans la forêt et demande au coucou, suggéra le Torcol.
- Et que vas-tu faire à la guerre ? s'enquit Maria Christine.
- Courir après la fortune, répondit le Torcol. Ma bourse vide m'est un poids. Je me sentirai plus léger quand elle sera pleine.
- Ma mère pleure, fit l'enfant. Ma mère dit que beaucoup de gens ne reviennent jamais de la guerre.
- C'est à cela que l'on reconnait que la guerre est bonne, repartit le Torcol. Car si elle était mauvaise, tout le monde rentrerait aussitôt.
- Alors pourquoi ma mère pleure-t-elle ? demanda l'enfant.
- Parce qu'elle ne peut partir avec nous.
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Info: Le Cavalier suédois, pp 173-174
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