Les vallons débonnaires du Plateau suisse, par comparaison avec l’énergie volontaire des Alpes voisines, semblent incarner la procrastination. [...] Les champs suisses sont identifiables entre mille. Ils sont plus verts (car mieux irrigués), plus géométriques, plus prévisibles aussi que n’importe quel champ, n’importe où dans le monde. Les sillons tracés par les râteaux de la mécanisation sont si fignolés qu’ils ressemblent à la dernière touche du pâtissier virtuose sur l’enduit d’une tarte. Au-dessus d’eux se déploie un ciel oblomovien, traînant, qui aimerait bien s’ouvrir mais peut-être pas aujourd’hui (demain ça ira tout aussi bien), qui serait tout fier d’atteindre un bleu intense et pur de lazuli, mais qui se contente des nuances jean délavé d’une atmosphère striée d’avions et de vapeurs lacustres.
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Info: "Champs", Olivier Morattel Editeur, 2021
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