mauvais sort

N’est-ce pas cependant appauvrir l’analyse, que de réduire l’épidémie diabolique à une simple privation d’âme, à une conscience dévalorisée, voire à un déficit d’encadrement religieux ? Par-delà cette négativité, il faut restituer à la sorcellerie son caractère plein et dru, de sève idéologique authentiquement campagnarde, venue du fond des âges et du fond des âmes. Alors elle n’apparaît plus seulement comme l’expression d’un vide spirituel, mais comme une vive réaction de la conscience paysanne : celle-ci est déçue par les idéologies d’origine urbaine ; après 1560, elle est violée par la guerre, hantée par la misère et la mort, souvent aussi par l’échec sexuel (aiguillette, angoisse de castration) ; du coup, elle s’évade, en proie aux vieux délires, elle s’abandonne à tous ses démons ; à défaut d’une libération véritable, elle tente l’aventure d’une révolte satanique.

Auteur: Le Roy Ladurie Emmanuel

Info: Les paysans de Languedoc, p 244

[ maléfice ] [ retranchement ] [ déviance ]

 

Commentaires: 2

Ajouté à la BD par Plouin

Commentaires

Coli Masson, colimasson@live.fr
2020-08-06 07:15
Très intéressants à étudier les phénomènes de "psychose collective" (possédés, extatiques, sorcellerie...) dans les contextes de modifications du paradigme chrétien. Pas mal d'exemples de ce genre dans le "Dictionnaire des miracles et de l'extraordinaire chrétiens" de Sbalchiero.
Plouin, pf.plouin@gmail.com
2020-08-06 11:45
Oui, par exemple dans le Favret-Saada "Les mots, la mort, les sorts"; troublant parce que français et contemporain. on y trouve deux sortes de désorceleurs, pour le bien (qui peut être le curé) et pour le mal. J'avais fait une note pour Babelio il y a qq temps.