Oublier, c’est aussi oublier ce qu’il ne faudrait pas oublier pour que la justice et la liberté triomphent. Une telle faculté d’oubli reproduit les conditions qui reproduisent l’injustice et l’esclavage : oublier les souffrances passées, c’est oublier les forces qui les causèrent, et les oublier sans les vaincre. Les blessures qui guérissent avec le temps sont aussi celles qui contiennent le poison. Contre cette reddition au temps, la restauration de la mémoire dans ses droits, en tant que véhicule de la libération, est une des tâches les plus nobles de la pensée.
Auteur:
Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, page 201
Commentaires: 0