- Quand tu lui racontais toutes ces histoires sur les fleurs, il était enchanté, dit Cate. Il aime bien apprendre.
- Ne t’y fie pas. Les gosses s’emballent pour ces choses-là comme pour faire la guerre.
Elle me regarda, surprise.
- Moi aussi, par exemple, lui dis-je, j’aimais bien les sciences, quand j’étais môme. Et je ne suis devenu rien du tout.
- Mais qu’est-ce que tu dis ? Tu as passé ta thèse, tu es professeur. Je voudrais bien savoir toutes les choses que tu sais.
- Etre quelqu’un, c’est autre chose, dis-je lentement. Tu n’en as aucune idée. Il y faut de la chance, du courage, de la volonté. Surtout du courage. Le courage de demeurer seul comme si les autres n’existaient pas, et de penser uniquement à ce qu’on fait. De ne pas se troubler si les gens s’en fichent. Il faut attendre des années, peut-être même mourir avant. Et voilà qu’après sa mort, avec un peu de chance, on devient quelqu’un.
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Info: Dans "Avant que le coq chante", La maison sur la colline, trad. Nino Frank, éd. Gallilmard, 1953, pages 279
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