Depuis quelques jours, le ravitaillement du camp était assuré par l’armée américaine. […]
Mais le vieux Français ne devait pas y croire, il devait se méfier. C’était trop beau pour durer, devait-il penser. […] Il se nourrissait à tout hasard, même s’il n’avait plus réellement faim. Il étalait des couches épaisses de margarine sur les tranches de pain noir, il les découpait en tout petits carrés qu’il mâchait lentement, avec du saucisson. Probablement mangeait-il ainsi depuis longtemps. Probablement n’avait-il pas l’intention de s’arrêter avant d’avoir tout avalé, tout dégluti. Il mâchait lentement, faisait durer le plaisir. Mais ce mot ne convient certainement pas : il y a de la gratuité dans le mot plaisir. Il y a de la légèreté, de l’imprévisible. C’est un mot trop désinvolte pour parler du sérieux avec lequel le vieux Français accomplissait, quelque peu hystériquement, le rite de se nourrir.
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Info: L'Ecriture ou la vie
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