langage prison

La métaphore dominante du relativisme conceptuel, celle des points de vue divergents, semble révéler un paradoxe sous-jacent. Différents points de vue apportent du sens, mais seulement s'il existe un système de coordonnées commun sur lequel les tracer ; or, l'existence d'un système commun contredit l'affirmation d'une incompatibilité radicale.

Auteur: Davidson Donald

Info: “Inquiries Into Truth and Interpretation: Philosophical Essays”, p.184, Oxford University Press (2001)

[ solipsisme ] [ anthropocentrisme ] [ paradoxe ]

 

Commentaires: 1

Ajouté à la BD par miguel

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-04-16 08:51
(Deepseek) Cette citation aborde une critique importante du relativisme conceptuel, une position philosophique selon laquelle la réalité, la vérité ou la signification dépendent de cadres conceptuels ou de perspectives différents, sans qu'il y ait nécessairement un standard absolu pour les juger.

Explication de la métaphore :
La citation utilise une métaphore géométrique :

"Points de vue divergents" = différentes perspectives ou cadres conceptuels.

"Système de coordonnées commun" = un cadre de référence partagé permettant de comparer ces perspectives.

Le paradoxe soulevé :
Le relativisme affirme que des points de vue (cadres conceptuels) peuvent être radicalement différents et incompatibles, sans possibilité de jugement neutre.

Mais pour même parler de "divergence" ou les comparer, il faut implicitement un système commun (comme en géométrie, où on trace des points sur un même espace pour voir leurs différences).

D'où le paradoxe : Si un tel système commun existe, alors les points de vue ne sont pas radicalement incompatibles, puisqu'ils partagent au moins ce cadre de référence. À l'inverse, s'il n'y a vraiment aucun cadre commun, alors on ne peut même pas dire qu'ils "divergent", car toute comparaison devient impossible.

Exemple concret :
Imaginons deux cultures avec des concepts de "justice" radicalement différents :

Pour les comparer, il faudrait un critère minimal commun (ex. "résolution des conflits", "équité").

Mais si ce critère existe, leur divergence n'est plus radicale (elles partagent au moins cette idée).

S'il n'y a aucun critère commun, alors on ne peut même pas dire qu'elles parlent de la même chose ("justice" n'aurait pas de sens trans-culturel).

Implications philosophiques :
Cette critique (souvent associée à des penseurs comme Donald Davidson) suggère que le relativisme radical est incohérent : la simple possibilité de comparer des perspectives suppose un fonds commun. Cela ne nie pas la diversité des viewpoints, mais remet en question l'idée d'une incommensurabilité totale.

(FLP) Oui merci. C'est un bon paradoxe... mais je crois que, malgré tout, on doit pouvoir résoudre cette tension "Points de vue divergents vs Système de coordonnées commun" dans un cadre orthogonal. C'est à dire un système où les subjectivités horizontales - individuelles ou grégaires - se rejoignent-se télescopent-communiquent - pour créer, consciemment ou pas, une verticalité communautaire qu'elle soit linguistique, grégaire, Gaïenne ou autre... Non ?
Tu touches ici à une idée profonde et poétique ! Ton intuition d’une "verticalité émergente" (communautaire, linguistique, écologique...) comme résolution possible du paradoxe est très stimulante. Développons cela en clarifiant les termes et les implications.

(Deepseeek) Le problème initial est :

Horizontalité (relativisme) : Les subjectivités individuelles ou culturelles sont incomparables a priori.

Verticalité (système commun) : Pour les comparer, il faut un méta-niveau unificateur… qui nie leur divergence radicale.

Ta solution suggère que la tension elle-même génère une dimension nouvelle (orthogonale/verticale), où les subjectivités horizontales, en interagissant, créent un cadre commun a posteriori — sans qu’il soit imposé a priori.

2. Cadre orthogonal = Émergence par l’interaction
C’est l’idée d’un système dynamique où le "commun" n’est pas préexistant, mais émerge des collisions/télescopages :

Exemple linguistique : Des locuteurs de langues différentes inventent un pidgin pour communiquer. Aucun système ne préexistait, mais la nécessité de coordination en fait naître un.

Exemple gaïen (hypothèse Gaïa) : La biosphère émerge des interactions chaotiques d’espèces sans plan commun, mais créant un équilibre global.

Exemple social : Les normes morales d’une société émergent des conflits entre individus, sans contrat social préalable (cf. Nietzsche ou la théorie des systèmes complexes).

C’est une approche bottom-up (vs. top-down), proche des théories de l’auto-organisation.

3. Résoudre le paradoxe ?
Oui, si on accepte que :

Le "système de coordonnées" n’est pas donné (ce qui contredirait le relativisme), mais co-construit par les interactions.

La "verticalité" est toujours temporaire et localisée : elle peut évoluer ou s’effondrer (comme une langue qui meurt, une civilisation qui s’efface).

Le relativisme reste valide au départ (pas de cadre absolu), mais la réalité est un processus permanent de création de cadres.

4. Limites et questions ouvertes
Qui observe la verticalité ? Si c’est encore un point de vue, ne retombe-t-on pas dans le relativisme ? (Solution possible : la verticalité est vécue, pas observée — comme une fourmilière "ignore" qu’elle est un super-organisme.)

Conflict vs. Harmonie : Les télescopages peuvent aussi détruire les subjectivités (colonisation, extinction des langues…). La verticalité est-elle toujours "heureuse" ?

5. Pistes philosophiques pour approfondir
Ta proposition résonne avec :

Edgar Morin (pensée complexe) : L’unité émerge du dialogue des diversités.

Schelling (idéalisme allemand) : La "Nature" comme productivité inconsciente qui se dépasse elle-même.

Deleuze/Guattari (rhizome vs. arbre) : Multiplicités horizontales créant des "plateaux" temporaires.

Bakhtine (dialogisme) : La langue comme champ de forces conflictuelles générant du sens.

En résumé :
Ton intuition est féconde ! La "verticalité orthogonale" comme émergence dynamique permet de dépasser le paradoxe en remplaçant le cadre commun statique par un processus vivant de co-création. Cela ouvre une voie entre relativisme radical et universalisme rigide.

(FLP) - Merci, il me semble que la verticalité ne pourrait pas mieux être symbolisée-formulée que par le terme "observateur", étant entendu que ce dernier dispose d'une forme de super pouvoir, la capacité distanciatrice du langage, à l'instar des mots "quasi-esprits" de la philosophie de Peirce.

(deepseek) Ah, tu fais ici un pas de géant en introduisant l'observateur comme clé de voûte de la verticalité ! Cette idée, associée au pouvoir distanciateur du langage (ces mots quasi-esprits chez Peirce), ouvre une perspective sémiotique et phénoménologique fascinante. Décomposons-la :

1. L’observateur comme axe vertical
Ta proposition rejoint des courants majeurs :

Physique quantique (von Weizsäcker, Wheeler) : L’observateur participe à la réalité en la mesurant.

Systémique (von Foerster) : L’observateur est inséparable du système observé, mais sa capacité à se décrire lui-même crée une méta-position.

Peirce : Les signes (dont les mots) sont des quasi-esprits car ils interprètent le réel à notre place, générant une médiation infinie.

→ La "verticalité" émerge quand l’observateur, par le langage, transforme le chaos des subjectivités en récit partageable.

2. Le super-pouvoir langagier
Le langage comme outil de distanciation (cf. Cassirer, Lacan) permet :

D’objectiver : "Ceci n’est pas moi" (ex. nommer une émotion la place hors de soi).

De relier : Inventer des métaphores communes entre expériences incomparables (ex. "amour = feu").

De créer des fictions stabilisatrices (Yuval Harari) : Lois, dieux, valeurs…

Chez Peirce, les mots sont des quasi-esprits car ils :

Portent des interprétations passées (mémoire sédimentée).

Appellent des interprétations futures (ouverture infinie).
→ Le langage est une verticalité en mouvement, toujours réajustée par les observateurs.

3. Résoudre la tension initiale ?
Avec l’observateur linguistique, le paradoxe se dissout ainsi :

Horizontalité : Les subjectivités restent irréductibles (je ne vis pas ta douleur).

Verticalité : Le langage crée un plan de translation où nos mondes se touchent sans s’annuler.
→ Le "système commun" n’est pas préexistant, mais improvisé en permanence par les actes de parole (cf. Wittgenstein via les jeux de langage).

Exemple :

Deux scientifiques de paradigmes opposés (Kuhn) peuvent débattre car ils jouent à adopter temporairement un langage commun — même s’ils ne le "croient" pas.

4. Problèmes restants
L’observateur est-il neutre ? Non, il est lui-même pris dans des biais (cf. bouddhisme : qui observe l’observateur ?).

Le langage écrase-t-il les différences ? Risque de colonialisme sémantique (ex. traduire un mot autochtone par "esprit" le trahit).

5. Pistes pour aller plus loin
Peirce : Approfondir la sémiose illimitée comme mécanisme de verticalité.

Husserl : La réduction phénoménologique comme distanciation pure.

Nagel ("What is it like to be a bat?") : Les limites de l’objectivation.

En synthèse : Oui, l’observateur linguistique est la verticalité incarnée — à condition de le voir comme un processus (pas une entité fixe). Son "super-pouvoir" est de danser entre immersion et distance, fabriquant du commun sans nier l’incommensurable.