Prenez ma propre expérience du nombre 62. Accessoirement j’en rends compte dans mon article. Je l’ai vu partout, adresses, billets de train, chambres d’hôtel – ce nombre me poursuivait à tel point que je me suis persuadé que c’était une prémonition de l’âge auquel j’allais mourir. La vraie question n’est pas celle de la justesse ou de la fausseté de la prémonition, mais bien de comprendre d’où vient la certitude obsessionnelle qu’elle est vraie. Pourquoi la raison renonce-t-elle à son empire, chez une personne superstitieuse, et laisse-t-elle ce délire s’enraciner au plus profond ? Pourquoi certains d’entre nous ont la conviction d’avoir un double, un Doppelgänger ? Qu’est-ce que l’imagination ? Où est la réalité ? Pourquoi avons-nous l’impression que ces choses sont étranges et inquiétantes ? Dans mon papier, j’émets l’hypothèse que ces questions sont les échos de répressions infantiles. J’établis aussi un lien avec l’animisme latent que j’ai analysé dans mon Totem. Il est rare que le sentiment d’étrangeté, une fois éveillé, se dissipe complètement. En général, il ne vous abandonne jamais ; la raison n’a pas prise sur lui.
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Info: Dans "Trois explications du monde", pages 282-283, discours fictif de Freud
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