Mon cabinet dentaire du Caire a été attaqué par les islamistes à deux reprises. Les mêmes ont failli nous lyncher, mon traducteur et moi, à l'Institut du monde arabe, à Paris, où je donnais une conférence en 2013. Je vis depuis des années avec l'idée que des gens veulent ma mort, parce que je serais, selon eux, contre l'islam - les journalistes de Charlie Hebdo ont d'ailleurs été exécutés pour les mêmes raisons. A leurs yeux, j'ai de l'influence, ce dont je suis fier. Bien sûr, j'ai eu peur. La peur vient se nicher dans votre tête mais disparaît aussi sec lorsque vous êtes confrontés aux situations les plus extrêmes. Quand, aux premiers jours de la révolutions égyptienne, un jeune homme qui se tenait à mes côtés a été abattu par un sniper, ma peur s'est définitivement envolée. Et puis, j'oublie tout dès que je prends la plume, ce qui m'évite de m'autocensurer. Pourtant, j'ai arrêté d'écrire pour la presse de mon pays. Le régime militaire n'a jamais opposé de veto à mes textes, mais il a fait pression sur les journaux pour que je sois traité d'une manière inacceptable, m'amenant à rompre notre collaboration. Restent mes livres, les médias occidentaux et surtout Twitter, où je compte 1500 000 followers. La preuve qu'il est désormais impossible de faire taire un écrivain.
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Info: Télérama N° 3392 - janvier 2015
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