Peu à peu, Hacine avait pris le rythme, en regardant faire son aîné. II avait remarqué que Jacques obéissait à des rituels, pour souffler, fractionner sa journée. La clope de 8 heures, une autre à 10 heures avec le café. À 11 heures, il montait le son de la radio, parce que c'était l'heure de son émission. Il tâchait de faire le plus gros du taf pendant la matinée, pour être peinard l'après-midi. Même chose, il donnait le maximum en début de semaine. Il existait comme ça toute sorte de ruses pour surmonter le désert, cette étendue uniforme de temps qui vous attendait au saut du lit, et pour de bon, jusqu'à la retraite. Hacine avait compris ça. Son temps ne lui appartenait pas. Mais il était toujours possible de duper l'horloge. En revanche, il ne pouvait rien contre cette évidence : d'autres volontés que la sienne dictaient leurs règles à son corps. Il était devenu un outil, une chose. Il bossait.
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Info: Leurs enfants après eux, Page 311, Actes Sud, 2018.
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