Les Allemands fondent leur assurance sur une idée abstraite, la science, c'est-à-dire la prétendue connaissance de la vérité absolue. Le Français est sûr de lui parce qu'il s'imagine exercer, soit par son esprit soit par son physique, une séduction irrésistible, tant sur les hommes que sur les femmes. L'Anglais est sûr de lui parce qu'il se croit le citoyen de l'État le mieux policé du monde : en qualité d'Anglais il sait toujours ce qu'il doit faire ; en qualité d'Anglais, il sait que tout ce qu'il fait est indiscutablement bien fait. L'Italien est sûr de lui parce que sa nature facilement émotive lui fait oublier et lui-même et les autres. Le Russe est sûr de lui parce qu'il ne sait rien et ne veut rien savoir et parce qu'il ne croit pas qu'on puisse connaître parfaitement quoi que ce soit. La suffisance de l'Allemand est la plus obstinée et la plus odieuse de toutes, car il se figure connaître la vérité, autrement dit la science qu'il a lui-même fabriquée, mais qu'il tient pour la vérité absolue.
Auteur:
Info: La guerre et la paix, tome 2
Commentaires: 0