J'écrivais le soir, et le matin j'allais au bureau. Ce que j'avais écrit la veille, je le rayais le lendemain, et ainsi de suite chaque jour. Certaines parties, je les ai réécrites plus de dix fois. Parfois je rayais tout ce que je venais d'écrire et recommençais depuis le début. Les phrases avançaient lentement comme si j'apprenais à ramper. L'écriture m'a permis de concevoir cette lutte acharnée entre le désir de montrer ce qui est en moi et le souci de le dissimuler. Mes mots se heurtaient, entraient en collision, en conflit. D'où ces phrases de sang, tout en paradoxes. Réécrire ce qui a été déjà écrit est un travail éreintant. Je souffrais de la fatigue, de manque de sommeil, de la faim, non sans cesser, en proie à une ardeur sadique, de me battre contre les phrases. J'avais l'impression d'être possédé.
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Info: Le vieux journal
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