La contribution des nouveaux langages de la représentation à l'extermination douce du sens
"Les nouveaux langages de la représentation : ceux de l'information en direct, de l'actualité c'est à dire du flash et du gros plan - un attentat terroriste + une inondation + un viol + une exposition de peinture, tout se vaut - ceux de la publicité ou culte de la nouveauté, c'est à dire de ce qui est immédiatement identifiable, ceux de la performance sportive ou commerciale (ou au contraire du malheur) font trop de bruit et vendent trop de camelote pour être considérés comme "la réalité". Car "la réalité", exhibe et illuminée au néon, scotchée avec une étiquette indiquant le prix, enveloppée dans un emballage choc comme pour mieux nous prouver (mais surtout vous faire acheter) que ce que vous avez sous les yeux existe totalement, sans faille, sans "ombre", cette "réalité" là n'est pas la réalité. La lumière attire toujours ceux qui se réclament du dogme de la représentation, lequel est aussi celui de l'identité. Il ne leur vient jamais à l'esprit que le fait de clairement identifier, révéler à la lumière ou souligner au Stabilo tout ce qui évoque dans l'ombre, le clair-obscur, se dissimule et se dérobe dans le flou et l'incertitude de la présence - absence pourrait non pas éclairer, mais à dissiper le sens. Ce qu'il convient d'attaquer aujourd'hui - oui d'attaquer, nous y reviendrons - n'est rien moins que l'idéologie ambiante contemporaine sous toutes ses formes (économique, politique, esthétique) qui a le culot inouï de se faire passer pour réelle - et y parvient - alors qu'elle n'est que la redondance de l'univers déréalisant dans lequel nous évoluons : celui de l'hyperpositivité, de l'hyperprotection, de l'hyperexclusion, de l'hyperréalisme, l'univers de l'accomplissement même du sens dans un éternel présent au sein duquel plus rien ne peut advenir. Le monde est si plein qu'on y étouffe... Nous pouvons seulement imiter un geste antérieur, déclare Sherry Levine qui, afin de faire saisir cet arrêt du sens dans lequel il n'y a plus que des images d'images infiniment recyclées, procède à la reprographie de reproductions d'oeuvres d'art.
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Info: Je, nous et les autres, Être humain au-delà des appartenances, Editions Le Pommier, 1999, pp. 129-130
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