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couple

L'amour n'est pas une simple possession. S'aimer, c'est surtout se soutenir l'un l'autre dans l'épreuve, s'endurer dans les imperfections communes, se sacrifier ; c'est savoir grandir ensemble.

Auteur: Bernard Harry

Info: L'homme tombé

[ union ] [ solidification ]

 

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éloignement principiel

La métaphysique est d’abord gnose opérative, c’est-à-dire qu’en vertu de l’unité de l’être adamique, tout acte de connaissance est, inséparablement, un acte de son être tout entier, toute noèse est une ontonoèse. Il est ce qu’il connaît et il connaît ce qu’il est. La perte de cette unité paradisiaque entraîne le caractère séparatif de l’intellection. L’intelligence conserve la connaissance de la vérité, mais, n’étant plus unie aux autres puissances de l’être – dont elle est elle-même l’unité – cette connaissance se trouve "séparée", abstraite ; elle existe dans une sorte d’autonomie ontologiquement solitaire. […] La gnose opérative devient simplement théorie, et l’expression de cette gnose, le langage doctrinal – ou l’ordre symbolique – cessant lui aussi d’être opératif, acquiert à son tour une sorte de consistance propre : le symbole n’est plus une pure transparence, il existe pour lui-même, opposant sa propre opacité à la parfaite réalisation de sa fonction médiatrice et unitive.

Toutefois, à cette étape qui est celle du triomphe de la langue, l’unité – et donc l’universalité – de la pensée métaphysique est encore effective. Il n’en va plus de même après la division babélienne. La gnose théorique, hantée par le désir de retrouver la puissance opérative qu’elle a perdue, veut utiliser sa propre consistance pour reconquérir son pouvoir sur la réalité. Ce faisant, elle n’aboutit qu’à renforcer et à opacifier cette consistance. […]

On aboutit alors à la troisième étape, qui est celle que nous connaissons présentement. Dans cette étape, les langages doctrinaux sont à peu près irrémédiablement diversifiés. Ils indiquent tous un langage universel perdu et inlassablement recherché, dont chacun a gardé quelques éléments, autour desquels il a reconstitué une unité synthétique particulière. La tradition métaphysique n’est pas perdue. Mais elle est reflétée diversement par la multitude des fragments de l’unique miroir éclaté que sont les diverses cultures humaines. Et disons qu’il n’est pas jusqu’aux plus modernes constructions philosophiques qui ne continuent de refléter, si éloignées en soient-elles, l’antique lumière émanée de la Révélation primordiale.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 39-40

[ solidification ] [ chute ]

 

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présocratiques

Mais il faut en venir à l’événement qui se produisit au cours du Ve siècle av. J.-C. et qui interrompit progressivement la tradition gnomique. Culturellement, cet événement est constitué, nous l’avons vu, par l’apparition des sophistes. On peut sans doute hésiter sur la nature historique de ce phénomène, sur le nombre et la fonction exacte de ces hommes qui, tels Protagoras ou Gorgias, parcouraient la Grèce et faisaient métier de la parole. Sur la signification métaphysique, on ne saurait, croyons-nous, hésiter : il s’agit essentiellement d’une "subversion" de la parole, c’est-à-dire du logos (indissociablement raison et discours) qui, de moyen, devient fin en soi et s’enivre d’une puissance indéfinie. Que tel soit bien le lieu où s’inscrit la rupture sophistique, la guerre que lui livre Socrate dans les dialogues platoniciens le prouve ; les corrupteurs du verbe doivent être vaincus avec leurs propres armes, celles d’une "conversion" du logos. C’est aussi le fait irrécusable que la parole, qui était prophétie de l’Être, devient source de profit : parole à vendre au plus offrant. Ainsi les mots sont-ils déliés du lien qui les unissait aux choses : leur amarre ontologique est rompue, ils peuvent flotter "librement" sur la mer des passions humaines et des convoitises : la parole n’a plus de poids*.



[*Il n’est pas interdit de supposer que l’apparition de la sophistique est liée à la découverte de l’écriture alphabétique par les Grecs, ce qui permettrait peut-être de rendre compte de l’attitude paradoxale de Platon à l’égard de l’écriture, à laquelle il a consacré en partie sa vie de grand écrivain, tout en soulignant ses dangers et son infériorité relativement à la tradition orale. Dans un livre décisif, Aux origines de la civilisation écrite, […] Eric A. Havelock a démontré clairement que l’écriture alphabétique a été inventée par les Grecs et non par les Phéniciens. Seuls les Grecs sont parvenus, vers 700 av. J.-C., à élaborer un système simple de signes (moins d’une trentaine) permettant de noter tous les points d’articulation (phonèmes) d’un langage quelconque, ce qui exige une analyse phonématique d’une extrême précision. Toutes les écritures alphabétiques du monde en dérivent. Cette découverte modifia progressivement le rapport de l’homme au langage. Chronologiquement, les textes antérieurs à la deuxième moitié du VIIIe siècle (750-700 av. J.-C.) ont été composés et transmis oralement et portent la marque du style oral (Homère et Hésiode) : rythmo-mélodisme, images frappantes, formules sententiaires, etc. Ce régime "poétique" persiste aux VI et Ve siècles, chez Xénophane, Héraclite, Parménide, même si leurs textes sont composés par écrit […]. Mais l’écriture détache peu à peu le discours de la parole vivante et lui confère une existence propre et autonome en même temps qu’elle objective et accentue la linéarité du langage : écrire, c’est écrire des lignes. On a là les deux traits caractéristiques du langage sophistique : son indépendance auto-constituante et son indéfinité linéaire (ou horizontale).

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 146-147

[ solidification ] [ philosophie ] [ oral-écrit ]

 

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