Le rationalisme ne garantit nullement un degré de conscience plus élevé, mais seulement une conscience plus étriquée.

Si nos cerveaux étaient suffisamment simples pour être appréhendés nous ne serions pas assez intelligents pour les comprendre.

Ce doit être tragique de ne croire qu'en ce que l'on peut voir, mesurer, disséquer, mettre en fiches.

La Logique et le "logique" sont si dégradés aujourd'hui qu'ils ne transmettent plus aucune information utile. S'ils sont toujours utilisés aujourd'hui c'est parce qu'ils présentent bien, aussi bien pour le cynique que pour l'irréfléchi.

Et voici, devant moi, le cercle infranchissable : moins les cultures humaines étaient en mesure de communiquer entre elles et donc de se corrompre par leur contact, moins aussi leurs émissaires respectifs étaient capables de percevoir la richesse et la signification de cette diversité. En fin de compte, je suis prisonnier d'une alternative : tantôt voyageur ancien, confronté à un prodigieux spectacle dont tout ou presque lui échappait - pire encore inspirait raillerie et dégoût; tantôt voyageur moderne, courant après les vestiges d'une réalité disparue. Sur ces deux tableaux je perds, et plus qu'il ne semble : car moi qui gémis devant des ombres, ne suis-je pas imperméable au vrai spectacle qui prend forme en cet instant, mais pour l'observation duquel mon degré d'humanité manque encore du sens requis ? [...] Victime d'une double infirmité, tout ce que j'aperçois me blesse, et je me reproche sans relâche de ne pas regarder assez.

Le poète, à mes yeux, se connaît à ses idoles et à ses libertés, qui ne sont pas celles de la plupart. La poésie se distingue de la prose pour n’avoir ni toutes les mêmes gênes, ni toutes les mêmes licences que celle-ci. L’essence de la prose est de périr, — c’est-à-dire d’être "comprise ", — c’est-à-dire, d’être dissoute, détruite sans retour, entièrement remplacée par l’image ou par l’impulsion qu’elle signifie selon la convention du langage. Car la prose sous-entend toujours l’univers de l’expérience et des actes, — univers dans lequel, — ou grâce auquel, — nos perceptions et nos actions ou émotions doivent finalement se correspondre ou se répondre d’une seule manière, — uniformément. L’univers pratique se réduit à un ensemble de buts. Tel but atteint, la parole expire. Cet univers exclut l’ambiguïté, l’élimine ; il commande que l’on procède par le plus court chemin, et il étouffe au plus tôt les harmoniques de chaque événement qui s’y produit à l’esprit.