- Veux-tu que je te dise comment il les a faits, ses sept enfants ?
La question est inattendue et je ne sais qu’y répondre. Je la regarde, interrogatif. Mafalda me sourit d’un air moqueur et désabusé et ne prononce que trois petits mots : "Avec la seringue.
- Quoi ?
- Eh oui, la fécondation artificielle, tu connais, non ? Il a un truc tout petit, tout petit et trop court pour pénétrer là où il faudrait. Plus petit que celui d’un bébé. Alors ? La seringue. Et tous les sept. Une bonne injection et, hop, c’est fait. C’est un homme très moderne, n’est-ce pas, mon Protti ?"
Je suis abasourdi, mais cela ne m’empêche pas de penser que cette révélation explique bien des choses. Protti est arrivé à son degré de sublimation parce que, d’après ce que vient de me raconter Mafalda, il l’a "tout petit, tout petit". Chez Protti, la sublimation se matérialise symboliquement dans cet organe sexuel atrophié et réduit au minimum. Cette mésaventure me rappelle une de mes lectures à propos d’un film qu’on devait faire sur Napoléon, mais qui est ensuite tombé en panne à cause des habituelles discussions entre les producteurs. Selon le docteur Antommarchi, le dénommé "Grand" Corse l’avait, lui aussi, "tout petit, tout petit". Sicut puer, note le médecin dans son Journal. Napoléon monstre de sublimation, était naturellement un super-sublimé, jusqu’au sous-développement, jusqu’à l’atrophie. Curieux, je demande à mi-voix à Mafalda : "Mais ce serait exactement quoi "tout petit, tout petit" " ?
Elle me regarde fixement de ses gros yeux ronds de pékinois et puis elle me montre la moitié de son petit doigt : "Comme ça.
- Pas possible ?
- C’est pourtant vrai. Quand on le voit dans la vie, assis ou debout, il est beau, décoratif, imposant, mon Protti. Mais au lit, c’est Tom Pouce : tu le perds dans tes draps. Alors, il y a une seringue."
Années: 1907 - 1990
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Italie