L’entièreté dont je fais état ne vise pas seulement les croyances appelées à s’inscrire dans une logique des montages normatifs [...]. Il s’agit de considérer l’équivalent d’une faille géologique – la faille introduite par le christianisme, dénommée Schize par mes travaux, due au fait qu’en se séparant de la juridicité juive, la religion chrétienne, ainsi privée de règles sociales, s’est établie et a connu un destin mondial en s’identifiant à l’esprit du système juridique échafaudé par la Rome antique.

Un hiatus inévitablement s’ensuit, entre d’une part l’Idée évangélique et d’autre part l’essence technique du " droit civil des Romains " (ius civile Romanorum) – autant dire la discontinuité entre le scénario christique et la normativité sociale travaillée dans le creuset médiéval par l’Église latine. Avec le recul, la singularité, le génie propre de l’Occident apparaît, en même temps que nous détectons le soubassement d’une dogmaticité inédite, celle dont se soutient le Nihilisme : l’isolement et la précarité du fondement et finalement l’incertitude du principe de légitimité aujourd’hui mis à la charge de l’individu (le sujet autofondé).

Voilà pourquoi, en usant du terme occidental de " civilisation ", nous devons porter attention à ce dont l’érudition moderne l’a délesté : la marque juridique et l’impérialité.