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conte édenique

I

Rien au paradis ne manquait. — La brise

Jetait dans l’air tiède une haleine exquise,

Car le lys sans tache et toujours en fleur

Sans cesse y mêlait sa suave odeur.

Une clarté pâle invitait au rêve,

Et la nuit au jour ne faisait point trêve ;

Cet éclat n’avait ni soir ni matin

Et ne connaissait aube ni déclin.

Les oiseaux chantaient dans les verts feuillages,

Les anges volaient dans l’air sans nuages,

Et le lieu, propice aux tendres propos,

Pour les bruits du monde était sans échos.

On lisait partout, sur l’herbe émaillée,

Sur l’azur du ciel et sur la feuillée :

" Ici n’entrent point tristesse ni pleur,

Et l’on n’y connaît ombre de douleur. "

Le long des ruisseaux couverts de ramées,

En un doux loisir, les âmes charmées

Aspirent en paix le souffle divin,

Et chaque heure amène un bonheur sans fin !

Bienheureux séjour, terre non pareille,

Le jardin s’ornait de toute merveille :

Il n’y manquait rien qu’une seule fleur.



II

Mais voici qu’un jour, dans une vapeur

De gloire et d’encens, en ces lieux arrive

Une âme jeunette et blanche et craintive.

Vers elle aussitôt on voit se presser

Les âmes en chœur pour la caresser,

Et, dans un baiser, il n’est chose tendre

Que leurs saintes voix ne fassent entendre :



— " Parmi nous ici sois le bienvenu,

Enfant de la terre, ô bel inconnu !

Mais pourquoi si tôt déserter la vie ?

N’as-tu point regret qu’on te l’ait ravie ?

— Non. La vie est brève et son temps cruel ;

Et vous contemplez le jour éternel !

—  Dis, voudrais-tu pas retourner sur terre ?

—  Non, car le bas monde a trop de misère.

—  Eh quoi ? ton départ n’eut point de douleur,

 Mon doux chérubin ?…

— Si ! j’ai mal au cœur :

Je laisse une mère adorable et belle…

Ah ! je vais pleurer bien longtemps sur elle !… "



À ces tristes mots, de son œil voilé

Une chaude larme a soudain coulé.

Ce pleur d’un enfant qui devient un ange

En fleur de muguet aussitôt se change.



Du ciel, depuis lors, tous pleurs sont bannis,

Et plus rien ne manque au saint paradis.

Auteur: Alecsandri Vasile

Info: La Légende du muguet, traduction, Léonce Cazaubon

[ histoire courte ] [ convallaria majalis ] [ poème ]

 

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Ajouté à la BD par miguel