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présocratiques

Ce mode [dialectique] consiste en un dialogue de l’esprit avec lui-même : s’opposant à soi par dégagement de ses propres contradictions, l’esprit s’efforce de les surmonter et s’avance, de raison en raison, vers la vérité qu’il porte en lui. Ce "penser dialectique" […] nous est devenu si familier, sous des formes diverses, qu’il nous paraît se confondre avec l’exercice même de la pensée, du moins de la pensée rigoureuse, celle qui s’assure en permanence de sa propre cohérence en se rendant compte à elle-même de la nature de ses démarches spéculatives. […] Difficile alors, quand on s’est habitué à ce mode de pensée, d’entrer en communion intelligible avec d’autres régimes de l’esprit : les textes qui relèvent de ces régimes pré-dialectiques nous demeureront quasi hermétiques ou de signification indécidable, à moins que nous ne les rangions dans la catégorie des œuvres mytho-poétiques, alors qu’ils sont peut-être porteurs d’un sens métaphysique qui nous échappe faute de pouvoir en reconnaître le mode d’expression.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, page 143

[ incompréhensibles ] [ anciens-modernes ]

 

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participation mystique

[…] les Anciens se faisaient, de ces constellations, une idée singulièrement vivante. Pour eux, cette Andromède, victime enchaînée au rocher, sauvée du monstre marin par Persée, on la voyait dans le ciel, l’événement était d’actualité. Nous autres ne possédons plus cette capacité imaginative vraiment vivante, et cela nous paraît plutôt artificiel, de projeter sur de telles images. Et en vérité, on ne devrait pas dire que les hommes de l’Antiquité avaient une capacité de projeter, car ils étaient plutôt les victimes de ces projections : tout simplement, ça leur tombait dessus. Les arbres et les montagnes étaient vivants, les sources étaient remplies d’être animés, les étoiles étaient des dieux. Nommer Jupiter cette splendide étoile brillante, cela nous fait aujourd’hui l’effet d’une allégorie bien vague, et usée jusqu’à la corde, mais pour eux c’était vraiment Jupiter, et sous cette forme il était agissant en eux, il exerçait une influence sur eux. Toute la nature grouillait de vie, et d’une vie qui était obscurément ressentie par eux comme leur vie propre.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "Analyse des visions", conférence du 15 juin 1932

[ évolution ] [ psychologie ] [ anciens-modernes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

gouvernement

Dans une perspective libérale, la liberté devient un objet très différent de la liberté classique. Tout d’abord, elle ne peut pas avoir pour fondement des enracinements politiques particuliers, puisque ceux-ci sont niés. Ceux qui font remonter le libéralisme moderne à l’idéal grec commettent donc un contre-sens majeur. La liberté moderne devient au contraire quelque chose d’essentiellement juridique, à savoir des "droits" supposés valoir indépendamment de toute appartenance, c’est-à-dire de manière universelle. D’où la thématique des "droits de l’homme", dont chacun serait titulaire sans considération pour son origine ou son lieu dans le monde social. [...]

L’universalité proclamée des droits et leur naturelle essentiellement juridique signifie que les libertés qui en découlent sont abstraites, là où les libertés classiques étaient toujours concrètes. Par exemple, on peut proclamer que tout homme a droit à la vie, ou au bonheur, ou au respect de ses croyances, sans que cela ne change absolument rien de la vie pratique des titulaires de ces droits. La proclamation des droits s’apparente à un pur acte de langage qui n’a aucune raison de s’incarner dans une réalité vivante. [...]

Le caractère abstrait de la liberté des libéraux a deux autres conséquences. Premièrement, là où les libertés classiques étaient incréées, produits historiques de la vie en communauté, les libertés universelles doivent être déclarées. [...] Ce caractère déclaratif des droits est hautement problématique du point de vue des libertés concrètes : si les libertés apparaissent d’un trait de plume via une déclaration, au nom de quoi ne disparaîtraient-elles pas également d’un autre trait de plume ? [...]

Deuxièmement, l’abstraction des droits proclamés universels, coupés de tout contexte socio-historique, peut être source d’un conflit des droits. Là où les libertés classiques étaient la propriété de corps politiques clairement définis, des droits abstraits peuvent désormais être revendiqués par n’importe quel groupe, et il n’y a absolument aucune raison pour que ces droits soient compatibles les uns avec les autres. [...] Dans d’autres cas, la proclamation d’un droit reste tellement abstraite qu’elle nécessite en permanence des interprétations particulières, fondées sur des cas concrets, de sorte que l’universalité proclamée ex ante devient impraticable ex post. [...]

L’abandon d’une conception relationnelle de la liberté pour une conception individualiste a une dernière conséquence : les droits sont proclamés comme une propriété inaliénable des individus, et sont donc sans contreparties, assortis d’aucun devoir. [...] Enfin, nul concept de bien commun permet de penser des limites à la liberté de l’individu, dès lors qu’ont été créées les conditions institutionnelles minimales qui permettent à chacun de rechercher son meilleur avantage personnel.

Cette relative absence de devoirs comme contrepartie aux droits peut laisser croire que la liberté des libéraux est beaucoup plus étendue que la liberté classique. C’est néanmoins là un leurre, ainsi que nous allons le montrer. Cette illusion moderne d’une liberté presque infinie tient précisément à la nature abstraite des libertés proclamées. Dans l’abstrait, il est aisé de proclamer une très grande liberté. Mais la pensée libérale abstraite s’accompagne d’un impensé considérable, à savoir les conditions pratiques dans lesquelles cette liberté peut être mise en œuvre. Or, plus les libertés proclamées sont larges, plus elles nécessitent pour trouver une traduction concrète un appareillage juridique, des contrôles formels, et une superstructure procédurière de surveillance.

Auteur: Travers Guillaume

Info: Dans "La société de surveillance, stade ultime du libéralisme", La nouvelle librairie, Paris, 2021, pages 41 à 47

[ anciens-modernes ] [ hors sol ]

 
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