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définition

Que signifie vraiment "disruption" ou "disruptif" et pourquoi tout le monde en parle maintenant ?

Vous avez raison: on retrouve les mots "disruption" et ses dérivés un peu partout aujourd'hui. Ainsi on entend parler de "président disruptif", de startup qui "a pour ambition de disrupter le secteur de la douche" ou d'autres qui veulent "disrupter le chômage". En mai 2017, France Télévision expliquait au Monde que les invités mystères de l'Emission Politique, comme Christine Angot, étaient "parfois disruptifs".

Selon une défitinition présente dans le Dictionnaire de la langue française (1874) d'Emile Littré, le mot disruption signifie "rupture" ou "fracture". Pourtant on ne comprend pas trop ce que signifie "fracasser le secteur de la douche".

Si "disruption" s'est échappé du cercle restreint des cruciverbistes (les amateurs de mots croisés) pour se retrouver de manière très présente dans le vocable d'aujourd'hui, c'est surtout dû à son emploi dans le milieu de l'économie avec l'apparition de jeunes entreprises (les fameuses startups), qui ont su utiliser les outils numériques pour transformer certains marchés.

On pense notamment à Uber, Airbnb ou Netflix qui ont cassé des systèmes, qui paraissaient établis, des taxis, de l'hôtellerie ou de la location de films ou de séries, en proposant des services innovants (devenir soi-même chauffeur de sa propre voiture, louer son ou ses appartements et permettre pour un prix réduire d'accéder à des catalogues entiers de contenus culturels). Depuis tout entrepeneur qui a de l'ambition et espère connaître un succès aussi important que les entreprises citées, souhaite trouver l'idée disruptive qui lui permettra de transformer un marché pour faire table rase du passé.

En janvier 2016, la rédactrice en chef du service économie de L'Obs, Dominique Nora, avait consacré un article au "concept de "Disruption" expliqué par son créateur". Elle y faisait la recension du livre "New : 15 approches disruptives de l'innovation", signé par Jean-Marie Dru. Dans cette fiche de lecture, on apprend notamment que:

" DISRUPTION est une marque appartenant à TBWA [une important agence de publicité américaine; NDLR] depuis 1992, enregistrée dans 36 pays dont l'Union Européenne, les Etats-Unis, la Russie, l'Inde et le Japon."

Mais aussi qu'il n'a pas toujours eu un aura lié à l'entreprise:

Même en anglais, au début des années 90, le mot 'disruption' n'était jamais employé dans le business. L'adjectif caractérisait les traumatismes liés à une catastrophe naturelle, tremblement de terre ou tsunami…

Selon Jean-Marie Dru, père du concept, le terme sert d'abord à qualifier la "méthodologie créative" proposée aux clients de son agence.  Puis le professeur de Harvard, Clayton Christensen, va populariser l'expression à la fin des années 90 en parlant "d'innovation disruptive". Les deux hommes ont l'air de se chamailler sur la qualité de "qui peut être disruptif?". Dru estime que "pour Christensen, ne sont disruptifs que les nouveaux entrants qui abordent le marché par le bas, et se servent des nouvelles technologies pour proposer des produits ou services moins cher " alors que lui considère que la disruption n'est pas réservée uniquement aux startups puisque de grands groupes comme Apple ou Red Bull sont capables de "succès disruptifs".

Finalement au mileu de tous ces "disruptifs", L'Obs apporte cette définition de la disruption:

"Une méthodologie dynamique tournée vers la création". C'est l'idée qui permet de remettre en question les "Conventions" généralement pratiquées sur un marché, pour accoucher d'une "Vision", créatrice de produits et de services radicalement innovants.

Force est de constater que le marketing et les médias ont employé ces mots à tire-larigot et qu'ils peuvent être désormais utilisés dans n'importe quel contexte au lieu de "changer" ou "transformer", voire même de "schtroumpfer". Ne vous étonnez pas si votre conjoint se vante d'avoir "disrupter" la pelouse en la faisant passer d'abondante à tondue, ou d'avoir "disrupté" le fait de se laver en utilisant le shampoing au lieu du gel douche... 

Auteur: Pezet Jacques

Info: Libération, 13 octobre 2017

[ mode sémantique ] [ dépaysement libérateur ] [ accélérationnisme ] [ contre-pied ] [ contraste ]

 

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chronos

Le temps est une différence de pression : la respiration comme média environnemental dans "Exhalation" de Ted Chiang

Dans la nouvelle de science-fiction "Exhalation" de Ted Chiang, publiée en 2008, le souffle est le médiateur de la fin du monde.

Ce texte raconte l'histoire d'une espèce mécanique alimentée par l'air. Chaque jour, les membres de cette espèce consomment deux poumons d'aluminium remplis d'air, et chaque jour, ils les remplissent à nouveau à partir d'un réservoir caché sous terre. Leur univers comporte de nombreuses villes et quartiers, mais il est délimité par un "mur de chrome solide" qui s'étend jusqu'au ciel. Un jour, une cérémonie traditionnelle du nouvel an, qui dure toujours exactement une heure (chronométrée avec la précision mécanique de l'espèce), dure quelques minutes de plus. C'est surprenant. La nouvelle se répand et ils découvrent que la manifestation s'est prolongée dans tout leur univers. Les horloges elles-mêmes semblent fonctionner correctement ; c'est plutôt le temps lui-même qui s'est ralenti d'une manière ou d'une autre. Le narrateur, un anatomiste, soupçonne que la vérité réside dans le cerveau des espèces et décide de procéder à une autodissection avec un appareil de sa conception. De même que la nature de la conscience échappe aux humains organiques, elle échappe aussi aux automates de Chiang. Certains pensent que leur esprit est inscrit sur d'innombrables feuilles d'or dans leur cerveau ; d'autres soupçonnent que le flux d'air agit sur d'autres supports plus subtils. Au cours de son autodissection, le narrateur découvre la vérité : la conscience n'est pas inscrite dans le cerveau, mais constituée par la circulation de l'air dans le cerveau, qui forme et reforme les connexions électriques avec une plasticité infinie. De cette révélation, le narrateur déduit que le temps lui-même ne ralentit pas, mais que c'est plutôt la force de l'air à travers le cerveau qui ralentit, altérant la cognition. La deuxième loi de la thermodynamique : l'entropie augmente dans un système fermé, ce que l'univers doit être en fait. Chaque action, pensée et mouvement augmente l'entropie de leur univers, "hâtant l'arrivée de cet équilibre fatal", c'est-à-dire la possibilité de la mort.

Comme de nombreuses histoires de Chiang, "Exhalation" explore les conséquences culturelles étendues d'un concept scientifique, en l'occurrence l'entropie. À travers les principes physiques de la thermodynamique, la respiration met en scène une ironie tragique dans le système mondial. Le travail de maintien d'un type particulier de vie rend toute autre vie impossible. Je lis "Exhalation" comme une riche archive de possibilités théoriques médiatiques, car Chiang relie les problèmes de la technologie, de la médiation, de la conscience, de l'incarnation, de la temporalité et de l'environnement. La respiration est le pivot qui maintient ces concepts ensemble, et en particulier, selon moi, la relation de la respiration avec le temps. Dans cet article, je lis "Exhalation" à la fois à travers et en tant que théorie des médias pour suggérer que la mesure et la perception du temps, qui sont depuis longtemps des problèmes fondamentaux pour les études sur les médias, sont devenues des questions environnementales urgentes. Nous pouvons appréhender ces temporalités environnementales par le biais de la respiration, qui ne fonctionne pas de manière linéaire mais plutôt récursive, franchissant une certaine échelle dans sa répétition.

"Exhalation" met en scène deux types de temps différents : celui de la perception intérieure et celui de la comptabilité extérieure. D'une part, le temps est le sentiment incarné qu'un moment suit le suivant. D'autre part, le temps est la comptabilité de technologies théoriquement impartiales, elles-mêmes étalonnées par rapport à des phénomènes physiques. Le fait que le monde d'"Exhalation" soit entièrement mécanique permet à Chiang d'établir une analogie fluide entre ces deux sens du temps. Le drame découle donc de la découverte par le narrateur que ces sens, qui partagent supposément un substrat matériel, sont devenus non calibrés. Le véritable substrat, découvre le narrateur, n'est pas la matière en elle-même, mais plutôt la différence entre les matières. "Voici pourquoi", écrit le narrateur,

...j'ai dit que l'air n'est pas la source de la vie. L'air ne peut être ni créé ni détruit ; la quantité totale d'air dans l'univers reste constante, et si l'air était tout ce dont nous avons besoin pour vivre, nous ne mourrions jamais. Mais en réalité, la source de la vie est une différence de pression atmosphérique, le flux d'air des espaces où il est épais vers ceux où il est mince.... En réalité, nous ne consommons pas d'air.

En tant que matière, l'air ne s'épuise pas. Au contraire, les actions de l'espèce évacuent la différence, augmentent l'aléatoire et éliminent ainsi l'action mécanique et sa temporalité concomitante.

À première vue, l'approche du temps de Chiang est conforme à certains modèles fondamentaux des études sur les médias, pour lesquels le temps est un effet secondaire de sa technologisation. Pour Harold Innis, critique du début du XXe siècle, par exemple, les supports d'enregistrement disponibles dans une civilisation donnée déterminent les relations possibles avec le temps. Une civilisation basée sur le papier favorise la synchronisation sur de grandes distances, facilitée par la vitesse de circulation du papier, tandis qu'une civilisation basée sur la pierre serait plus diachronique, favorisant les supports statiques qui couvrent de grandes étendues de temps. Les idées d'Innis ont inspiré des approches ultérieures des médias numériques. Pour le théoricien des médias Wolfgang Ernst, les médias numériques sont "critiques en termes de temps", dans la mesure où ils dépendent d'un timing précis pour fonctionner. Le temps numérique est mesuré par des cristaux de quartz qui marquent les tics du temps UNIX, qui compte le début de l'histoire à partir du jeudi 1er janvier 1970, lorsque le carbone atmosphérique ne mesurait que 325 ppm. Ernst fait la distinction entre le temps "dur" et le temps "mou", c'est-à-dire le temps imposé aux machines par la physique et le temps inventé par les machines dans leur fonctionnement. Si le temps dur de la physique se poursuit en dehors de l'objet médiatique, notre appréhension de ce temps est inéluctablement liée à la durabilité du temps mou, généré par les machines.

Je suis loin d'être le seul à m'opposer à ces modèles de temporalité des médias. Je pense, par exemple, à l'argument de Sarah Sharma selon lequel ces modèles sont obsédés par la vitesse : l'hypothèse selon laquelle les médias accélèrent la temporalité et réduisent l'espace, rapprochant les cultures et effaçant le temps passé à attendre que les messages soient transmis. Pour Sharma, la vitesse est trop simple ; en revanche, elle affirme que le principal sujet temporel des médias est la synchronicité, dont la négociation et le maintien exigent un travail culturel et matériel constant. La relation au temps, tout comme la relation à l'environnement, est liée à la position politique de chacun. Elle est également liée au corps. John Durham Peters affirme que le corps humain lui-même est un support temporel, qui calibre une multiplicité vertigineuse d'échelles de temps. Les rythmes circadiens intègrent la "pulsation" géophysique du jour et de la nuit dans les êtres vivants. Vu dans ce cadre, le rythme inconscient de la respiration n'est qu'une partie d'un système médiatique complexe de temporalité qui se calibre et se recalibre constamment. Je souhaite faire progresser le rythme dans mon analyse. Shintaro Miyazaki affirme que le rythme a toujours été un aspect central, bien que méconnu, de la culture algorithmique. Le rythme supplante la notion d'"horloge" ou d'"impulsion", qui ne rendent pas compte de la négociation constante entre les états de la matière caractéristiques des médias numériques. Le rythme nomme alors le travail actif de synchronisation de la médiation. Il s'ensuit que nous pourrions caractériser le drame d'"Exhalation", et peut-être notre crise climatique actuelle, comme une désarticulation du rythme.

Au fur et à mesure que la nouvelle de la découverte du narrateur se répand, la panique face à la nouvelle possibilité de mort se répand également. Pendant quelques pages, "Exhalation" devient une allégorie manifeste des réactions humaines au changement climatique. "Nombreux sont ceux qui réclament une limitation stricte des activités afin de minimiser l'épaississement de notre atmosphère", écrit le narrateur, "les accusations de gaspillage d'air ont dégénéré en rixes furieuses". Une secte quasi-religieuse, les Inverseurs, gagne en popularité. Dans une parodie de la géo-ingénierie, ils construisent un moteur qui comprime l'air, augmentant ainsi la pression atmosphérique globale. "Hélas, observe le narrateur, le moteur lui-même était alimenté par l'air du réservoir..... Il n'a pas inversé l'égalisation, mais a permis d'augmenter la pression de l'air. Il n'a pas inversé l'égalisation mais, comme tout ce qui existe dans le monde, l'a exacerbée". Face à l'impossibilité d'empêcher la dégradation de l'atmosphère, les mécaniciens tentent de remodeler le cerveau lui-même, parallèlement aux adaptations transhumaines aux climats inhospitaliers. Tout cela n'aboutit à rien. Le narrateur termine l'histoire en spéculant sur un avenir possible, lorsqu'un explorateur intrépide franchira le mur de chrome et transformera le système fermé en un système ouvert. Les automates pourraient revivre, grâce à l'introduction d'une nouvelle pression, d'un nouveau souffle, mais leur esprit et leur culture ne survivraient pas.

Mais le souffle n'est rien d'autre qu'une technologie de survie. Je pense ici au travail de Jean-Thomas Tremblay sur le souffle en tant que technique féministe, ou aux archives d'Ashton Crawley sur le souffle dans les pratiques culturelles et spirituelles des Noirs. Les logiques médiatisées de sa mise en péril, de sa vulnérabilité et de sa force sont, comme l'affirme Tremblay, "autant une déclaration phénoménologique qu'une déclaration historique et culturelle". À ces archives respiratoires, j'ajouterais le souffle en tant que médiation environnementale. Cette médiation se produit à différents niveaux, depuis le brouillage par la respiration des frontières entre les médias et le corps jusqu'à la respiration en tant que modèle de réflexion sur le temps environnemental. Il est essentiel de noter qu'il ne s'agit pas d'un temps avec un début ou une fin, mais plutôt de cycles imbriqués de naissance et de décomposition, la médiation s'empilant sur elle-même. Quels nouveaux rythmes peuvent émerger ?

La temporalité de la conclusion d'"Exhalation" apporte une réponse provisoire. Les derniers paragraphes offrent une "valédiction"*, le narrateur s'adressant directement au lecteur. "Le même sort que celui qui m'a frappé t'attend-il ?" demandent-ils. Alors que la majeure partie du récit se déroule au passé, la fin s'inscrit dans un futur imaginé et s'adresse au lecteur à l'impératif : "Visualisez tout cela la prochaine fois que vous regarderez le monde gelé qui vous entoure, et il redeviendra, dans votre esprit, animé et vital. Telle est la temporalité de la spéculation, que Chiang présente comme un mode de réflexion sur l'effondrement écologique, qui ne prend pas l'effondrement comme une donnée et ne croit pas naïvement qu'il peut être évité. Il y a une fin, et il y a ce qui vient après la fin. L'après-fin est un espace de possibilités endeuillées :

Notre univers aurait pu glisser vers l'équilibre en n'émettant rien de plus qu'un sifflement silencieux. Le fait qu'il ait engendré une telle plénitude est un miracle, qui n'a d'égal que l'univers qui vous a donné naissance.

Respirer, c'est être médiateur du temps, pour soi mais aussi pour les autres. C'est être le médiateur de la possibilité du prochain souffle à venir, c'est coordonner et relier une multitude de systèmes naturels et culturels. Dans le cadre de la crise climatique, nous savons désormais de manière concluante que nos médias industriels sont à bout de souffle. Le défi que nous lance "Exhalation" est de les refaçonner pour qu'ils puissent soutenir le souffle.

Auteur: Moro Jeffrey

Info: https://jeffreymoro.com/blog/2022-04-01-defense-talk/ - 7 Jan 2021. Présentation faite dans le cadre du panel Environmental Media au MLA 2021, qui s'est tenu virtuellement. Pour les références du texte, voir directement sur le site. Trad Mg et DeepL. *Formule qui recommande le destinataire à la protection divine

[ homme-machine ] [ cadence ] [ science-fiction ] [ analyse de texte ] [ réchauffement climatique ] [ Gaïa ] [ tétravalence ] [ accélérationnisme ]

 

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Intelligence artificielle

Ce médecin s'efforce de créer une IA scientifiquement informée.

En formant des modèles d'apprentissage automatique avec des exemples de sciences fondamentales, Miles Cranmer espère accélérer le rythme des découvertes scientifiques.

La physique a ébloui Miles Cranmer dès son plus jeune âge, il recevait des livres sur le sujet de la part de son grand-père, professeur de physique à l'université de Toronto, et ses parents l'emmenaient à des journées portes ouvertes dans des universités proches de chez eux, dans le sud de l'Ontario, au Canada. L'Institut Perimeter de physique théorique était l'un de ses préférés. "Je me souviens que quelqu'un parlait de l'infini quand j'étais très jeune, et c'était tellement cool pour moi", a déclaré Cranmer. Au lycée, il a fait un stage à l'Institut d'informatique quantique de l'université de Waterloo, " le meilleur été de ma vie à ce moment-là ". Il a rapidement commencé à étudier la physique en tant qu'étudiant de premier cycle à l'université McGill.

Puis, un soir, au cours de sa deuxième année, Cranmer, alors âgé de 19 ans, a lu une interview de Lee Smolin dans Scientific American. qui disait qu'il faudrait " des générations " pour réconcilier la théorie quantique et la relativité. « Cela a déclenché quelque chose dans mon cerveau », a déclaré Cranmer. " Je ne peux pas accepter cela, il faut que ça aille plus vite. " Et pour lui, le seul moyen d'accélérer la chronologie des progrès scientifiques était d'utiliser l'intelligence numérique artificielle. " Cette nuit-là, j'ai décidé : "Nous devons faire de l'IA pour la science." Il a commencé à étudier l'apprentissage automatique , qu'il a finalement fusionné avec ses recherches doctorales en astrophysique à l'université de Princeton.

Près d'une décennie plus tard, Cranmer (aujourd'hui à l'Université de Cambridge) a vu l'IA commencer à transformer la science, mais pas autant qu'il l'imaginait. Des systèmes à usage unique comme AlphaFold peuvent générer des prédictions. scientifiques avec une précision révolutionnaire, mais les chercheurs manquent toujours de " modèles de base " conçus pour la découverte scientifique générale. Ces modèles fonctionneraient davantage comme une version scientifiquement précise de ChatGPT, générant de manière flexible des simulations et des prédictions dans plusieurs domaines de recherche. En 2023, Cranmer et plus de deux douzaines d'autres scientifiques ont lancé l'initiative IA polymathique visant à commencer à développer ces modèles de fondation.

La première étape consiste à doter le modèle des compétences scientifiques qui échappent encore à la plupart des systèmes d'IA de pointe. "Certaines personnes voulaient créer un modèle de langage pour l'astrophysique, mais j'étais vraiment sceptique à ce sujet", se souvient Cranmer. "Si on simule des systèmes fluides massifs, en étant mauvais en traitement numérique généralisé" - comme le sont sans doute les grands modèles de langage - "ce n'est pas satisfaisant". s'entraînent.

 Pourtant, Cranmer estime que ces obstacles sont surmontables. " Je suis loin d'être aussi intelligent qu'Einstein ou d'autres grands scientifiques ", at-il déclaré. " Donc, si je réfléchis à ce que je peux faire pour accélérer le rythme de la recherche, c'est vraiment en faisant progresser l'apprentissage automatique. C'est ce que je peux apporter. "

Quanta a discuté avec Cranmer de la possibilité de doter l'IA d'une mémoire scientifique, d'extraire des informations à partir de réseaux neuronaux et de ce que les scientifiques et les programmeurs pourraient bientôt avoir en commun. Cet entretien a été condensé et édité pour plus de clarté.

- Les chercheurs en IA ont remporté deux prix Nobel l'année dernière. N'avons-nous pas déjà une "IA pour la science" ? Que manque-t-il ?

Le plus grand défi, si l'on fait abstraction de tout, c'est que l'apprentissage automatique est mauvais pour la prédiction " hors distribution ". Cela signifie que si vous avez un nouveau point de données qui ne ressemble à rien de ce que vous avez vu auparavant, un modèle d'apprentissage automatique aura tendance à mal fonctionner. C'est la principale faiblesse de l'apprentissage automatique, par rapport à la science traditionnelle.

Pensez à la relativité générale d'Einstein. Les médecins n'avaient aucune idée de l'existence d'un trou noir en 1915. Les mathématiques produisent simplement cette prédiction de manière logique. Et nous pouvons voir des preuves qui la confirment plus d'un siècle plus tard. C'est quelque chose que l'apprentissage automatique ne pourrait pas faire – ce genre d'extrapolation est tout simplement hors de question.

J'ai toujours été très intéressé par l'amélioration de cette partie de l'apprentissage automatique, car je pense que c'est la pièce manquante.

- Mais les réseaux neuronaux ne sont eux aussi que des équations. Comment se fait-il que les mathématiques d'Einstein nous donnent des modèles de l'univers, alors que celles de l'IA ne le peuvent pas ?

Je dirais que ce deuxième type de mathématiques, l'apprentissage automatique, n'a pas de mémoire, alors que le premier type en a. Dans les sciences physiques, si vous proposez une nouvelle théorie, toutes les observations précédentes doivent toujours être satisfaites par le nouveau cadre. Nous devons obéir aux mêmes règles que celles que nous avons découvertes auparavant. Alors que dans l'apprentissage automatique, vous repartez de zéro à chaque fois que vous entraînez un modèle.



Comment intégrer la mémoire, dans ce sens abstrait d'"accumulation de connaissances", dans l'apprentissage automatique ? L'une des méthodes consiste à utiliser des règles symboliques, qui nous permettent d'imposer les modèles qui apparaissent dans les cadres physiques. Par exemple, je sais que si j'entre dans une autre pièce, le physique ne change pas. Un modèle d’apprentissage automatique ne sait pas.

- Comment faire pour qu'un réseau neuronal joue selon ces règles ?

- J'ai passé les quatre dernières années à travailler sur un logiciel appelé PySR. Il s'agit d'une bibliothèque de régression symbolique qui apprend des équations correspondantes à un ensemble de données. Plutôt que de cacher une prédiction dans un réseau neuronal, cela permet de traduire le comportement du réseau neuronal en une équation symbolique dans un langage plus familier aux scientifiques. Forcer le modèle d'apprentissage automatique à utiliser des mathématiques symboliques est essentiellement un moyen de lui donner un biais en faveur des idées existantes à partir desquelles nous avons construit le physique.

Ca présente de nombreux avantages. Les équations obtenues sont très interprétables et ont tendance à se généraliser pour vous donner de bonnes prédictions hors distribution. L'inconvénient est que ces algorithmes sont très coûteux en termes de calcul. Si vous disposez de ressources infinies, ce serait parfait.

- Et les " modèles fondamentaux " scientifiques sur lesquels vous travaillez contournent-ils ce problème ?

- Avec la régression symbolique, on donne à un réseau neuronal les symboles que les scientifiques utilisent, comme une bibliothèque de concepts avec laquelle il peut construire des choses. Une autre façon de procéder est beaucoup plus axée sur les données : fournir une bibliothèque d'exemples. Notre approche dans Polymathic AI consiste à prendre un modèle et à l'entraînement sur toutes les données scientifiques qu'on peut obtenir. Vous partez toujours de zéro, mais vous lui avez donné tellement de données que vous ancrez en quelque sorte ses prédictions.

Je pense que c'est la raison pour laquelle les modèles de langage comme ChatGPT semblent efficaces dans les scénarios hors distribution : ils ont en quelque sorte transformé tout en un problème de prédiction dans la distribution, car ils ont été pré-entraînés sur de nombreux éléments différents. Lorsque ChatGPT est sorti, nous étions tous très enthousiastes à l'idée de réfléchir à la manière dont ce type d'outil pourrait être utilisé dans le domaine scientifique. Et au fil de nos discussions, cette idée s'est cristallisée : pré-entraîner un modèle non pas sur le langage, mais sur des ensembles de données numériques scientifiques.

C'était le défi le plus difficile pour nous. Obtenir des données scientifiques de haute qualité, comme des spectres d'étoiles, n'est pas aussi simple que de simplement lancer des robots sur Internet pour extraire des sites Web de données d'entraînement, comme le font les entreprises d'IA. Heureusement, en astronomie, une grande partie des données est accessible au public. Il suffit de les mettre dans un format uniforme. Nous avons publié deux ensembles de données : le Wellpour les simulations de physique numérique et l'univers multimodal pour les observations astronomiques. Ces ensembles de données offrent une quantité massive de données scientifiques comme base pour construire ces modèles fondamentaux.

- Vont-ils " halluciner " – inventer en toute confiance de fausses réponses – comme le font d'autres modèles d'IA ?

La raison principale de cette préformation est de se faire une idée de ce qui est physiquement raisonnable. Si le modèle se retrouve dans une situation nouvelle qu'il n'a jamais vue auparavant, plutôt que de faire une prédiction insensée, il va faire quelque chose de physiquement raisonnable.

(image : Miles Cranmer est assis à un bureau et regarde un tableau noir avec des équations, il utilise des règles symboliques pour inculquer aux machines une meilleure compréhension des découvertes passées, les aidant à traiter de nouvelles données et à produire des résultats plus compréhensibles.)

Ca n'élimine pas le problème, mais on va vers une grande. Je pense que c'est là que la régression symbolique pourrait également intervenir : traduire des parties du modèle en expressions mathématiques analytiques permettant de fournir des garanties.

Que pensez-vous que les scientifiques puissent faire avec ce type de fondation ?

- L'apprentissage automatique est très efficace pour résoudre des problèmes impliquant des volumes de données considérables, mais il est moins efficace pour les problèmes comportant très peu d'exemples. C'est pourquoi je suis vraiment enthousiaste à l'idée d'utiliser ce genre de modèle de base, car il nous permet d'aborder des types de problèmes à faible volume de données. On peut entraîner le modèle sur des simulations, ce qui lui permet d'intégrer la majeure partie du physique. Mais il suffit ensuite d'ajouter quelques expériences pour affiner ses prédictions. Ce ne sera pas parfait, mais ce sera mieux qu'un modèle d'apprentissage automatique formé à partir de zéro. Ainsi, à partir de quelques points de données du monde réel, vous pouvez extraire plus de données scientifiques qu'auparavant. C'est l'idée.

- Cela pourrait-il aboutir à automatiser le travail des scientifiques ?

- Je pense vraiment que ce type d'outil permettra d'automatiser de nombreuses tâches. Mon objectif est de rendre tous les scientifiques capables de faire beaucoup, beaucoup plus. Cela pourrait changer la définition de ce qu'est un scientifique, mais je pense que cette définition a déjà changé au cours de l'histoire.

 C'est pareil avec les modèles de langage. Ils ne remplacent pas les programmeurs, ils modifient simplement la définition de ce qu'est la programmation, de la même manière qu'écrire en Python ne remplace pas quelqu'un qui écrit des compilateurs. Il s'agit simplement de niveaux d'abstraction différents.

En ce sens, je ne crains pas qu'une quelconque forme d'IA remplace les scientifiques. Elle nous permet simplement de faire plus avec le même laps de temps. C'est ce qui m'enthousiasme vraiment. Comprendre l'univers n'a pas vraiment de fin. Cela va continuer et nous allons continuer à en apprendre toujours plus.


 

 

Auteur: Internet

Info: Jean Pavlus, 28 février 2025

[ accélérationnisme ] [ concepts vectorisés ] [ termes univers ] [ réductionnisme sémantique ] [ mathématisation ] [ réduction linguistique ]

 

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