Les trois souffrances de mon enfance et de mon adolescence ont été dans l’ordre : le manque d’argent de mes parents ; l’échec littéraire de mon père ; leur solitude. J’ai conjuré le premier souvenir – provisoirement sans doute ; je n’ai cessé d’essayer d’effacer le second jusqu’ici sans succès, mais j’essaie de continuer à me dire que rien n’est joué ; pour le troisième, rien n’a progressé. Pas un pouce. C’est vraiment le refoulement le plus profond.

Une grande différence qu’il y a, en effet, entre l’homme et l’animal, c’est que l’animal naît parfait, l’homme perfectible. [...]

Ébauché par la nature, l’homme est modelé par la société. L’homme est le chef d’œuvre de la civilisation.

Telle est la pensée du traditionaliste. [...] la tradition c’est le passé livrant au présent tout son trésor accumulé par les siècles. Et comprenant que c’est ce trésor qui nous élève à la dignité d’homme, de quels soins ne devrons-nous pas l’entourer !

L’individualiste croit prouver sa tendresse pour l’homme en concentrant toute son attention sur l’individu. Nous, qui disons que l’homme n’est homme qu’en tant qu’il porte en lui le passé, le conservant ainsi pour l’avenir, c’est aussi par tendresse pour l’homme, mais par tendresse prévoyante que nous refuserons de considérer l’homme en dehors de ce qui le prolonge dans le temps.