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positivisme obligatoire

Depuis que le principe a été accepté que nos actes ont des effets, non seulement sur nous-même bien sûr, mais aussi sur les autres, surtout sur eux, le gardiennage hygiéniste et moral ne se tient plus, le pouvoir spirituel des "hommes de science" ne se sent aucune limite. Le terrorisme du bien-être est l'une des ultimes tortures que pouvait encore inventer, afin de se croire un peu vivant, un monde qui a senti retomber sur lui la paix du cimetière consensuel.

Auteur: Muray Philippe

Info: L'empire du bien

[ hygiénisme ] [ surmoi maternel ] [ sociétés morbides ] [ confort émollient ]

 
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société de consommation

Nous affrontons maintenant le problème de permettre à l’Américain moyen de se sentir moral même quand il flirte, même quand il dépense, même quand il achète une deuxième ou troisième voiture. L’un des problèmes fondamentaux de cette prospérité est de donner aux gens la sanction et la justification d’en jouir, de leur démontrer que faire de leur vie un plaisir est moral et non immoral. Cette permission donnée au consommateur de jouir librement de la vie, la démonstration de son droit à s’entourer de produits qui enrichissent son existence et lui font plaisir doit être l’un des thèmes primordiaux de toute publicité et de tout projet destiné à promouvoir les ventes.

Auteur: Dichter Ernst

Info: La stratégie du désir

[ surmoi maternel ] [ pression idéologique ]

 

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consumérisme

Bien qu’elle [la publicité] vise à susciter, à provoquer, à être le désir, ses méthodes sont au fond assez proches de celles qui caractérisaient l’ancienne morale. Elle met en effet en place un Surmoi terrifiant et dur, beaucoup plus impitoyable qu’aucun impératif ayant jamais existé, qui se colle à la peau de l’individu et lui répète sans cesse : "Tu dois désirer. Tu dois être désirable. Tu dois participer à la compétition, à la lutte, à la vie du monde. Si tu t’arrêtes, tu n’existes plus. Si tu restes en arrière, tu es mort." Niant toute notion d’éternité, se définissant elle-même comme processus de renouvellement permanent, la publicité vise à vaporiser le sujet pour le transformer en fantôme obéissant du devenir.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Interventions : Tome 2, Traces

[ oppression ] [ superficialité ] [ surmoi maternel ]

 
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production industrielle

Cette idéologie d’accomplissement personnel, l’illogisme triomphant des pulsions déculpabilisées n’est en fait qu’une gigantesque entreprise de matérialisation du surmoi. Ce qui est "personnalisé" dans l’objet, c’est d’abord la censure. Les philosophes de la consommation ont beau jeu de parler des "forces profondes" comme de possibilités immédiates de bonheur qu’il suffit de libérer. Tout l’inconscient est conflictuel et, dans la mesure où la publicité le mobilise, elle le mobilise en tant que conflit. […]

Rien n’a changé, ou plutôt si : les restrictions à l’accomplissement de la personne ne s’exercent plus à travers des lois répressives, des normes d’obéissance : la censure s’exerce à travers des conduites "libres" (achat, choix, consommation), à travers un investissement spontané, elle s’intériorise en quelque sorte dans la jouissance même.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, pages 269-270

[ dette ] [ injonction ] [ surmoi maternel ] [ morale ]

 

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champ de contrôle

De l’injonction, on passe à la disjonction par le code, de l’ultimatum on passe à la sollicitation, de la passivité requise on passe à des modèles construits d’emblée sur la "réponse active" du sujet, sur son implication, sa participation "ludique", etc., vers un modèle environnemental total fait de réponses spontanées incessantes, de joyeux feed-back et de contacts irradiés. [...] C’est la grande fête de la Participation : elle est faite de myriades de stimuli, de tests miniaturisés, de questions/réponses divisibles à l’infini, tous magnétisés par quelques grands modèles dans le champ lumineux du code.

Voici venir la grande Culture de la communication tactile, sous le signe de l’espace techno-lumino-cinétique et du théâtre total spatiodynamique !

C’est tout un imaginaire du contact, du mimétisme sensoriel, du mysticisme tactile, c’est toute l’écologie au fond qui vient se greffer sur cet univers de simulation opérationnelle, multistimulation et multiréponse. On va naturaliser ce test incessant d’adaptation réussie en l’assimilant au mimétisme animal : "L’adaptation des animaux aux couleurs et aux formes de leur milieu est un phénomène valable pour les hommes" (Nicolas Schöffler), et même aux Indiens, avec "leur sens inné de l’écologie" ! Tropismes, mimétismes, empathie : tout l’évangile écologique des systèmes ouverts, avec feed-back négatif ou positif, va s’engouffrer dans cette brèche, avec une idéologie de la régulation par l’information qui n’est que l’avatar, selon une rationalité plus flexible, du réflexe de Pavlov. Ainsi est-on passé de l’électrochoc à l’expression corporelle comme conditionnement de la santé mentale. Partout les dispositifs de force et de forçage laissent place aux dispositifs d’ambiance, avec opérationnalisation des notions de besoin, de perception, de désir, etc.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 116-117

[ intégration ] [ consentement idéologique ] [ surmoi maternel ]

 

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patriarcat-matriarcat

L’échange symbolique étant fondé sur la prohibition de l’inceste, toute abolition (censure, refoulement, déstructuration) de ce niveau de l’échange symbolique signifie un procès de régression incestueuse. [...] le pervers fétichiste se définit par le fait qu’il n’est jamais sorti du désir de la mère, qui a fait de lui le substitut de ce qui lui manquait. Phallus vivant de la mère, tout le travail du sujet pervers consiste à s’installer dans ce mirage de lui-même et à y trouver l’accomplissement de son désir – en fait l’accomplissement du désir de la mère (alors que la répression génitale traditionnelle signifie l’accomplissement de la parole du Père). On voit qu’est proprement créée une situation incestueuse : le sujet ne se partage plus (il ne se départit plus de son identité phallique) et il ne partage plus (il ne se dessaisit plus de quoi que ce soit de lui-même dans une relation d’échange symbolique). L’identification au phallus de la mère le définit pleinement. Même processus que dans l’inceste : ça ne sort pas de la famille.

Il en va très généralement ainsi du corps aujourd’hui : si la loi du Père, la morale puritaine y est (relativement) déjouée, c’est selon une économie libidinale caractérisée par la déstructuration du symbolique et la levée de la barrière de l’inceste. Massmédiatiquement diffusé, ce modèle général d’accomplissement du désir ne va pas sans une qualité d’obsession et d’angoisse bien différente de la névrose puritaine à base hystérique. Il ne s’agit plus de l’angoisse liée à l’interdit œdipien, mais de celle liée au fait de n’être, au "sein" même de la satisfaction et de la jouissance phallique multipliée, au "sein" de cette société gratifiante, tolérante, lénifiante, permissive, de n’être que la marionnette vivante du désir de la mère. Angoisse plus profonde que celle de la frustration génitale, puisqu’elle est celle de l’abolition du symbolique et de l’échange, celle de la position incestueuse où le manque même du sujet vient à lui manquer – angoisse qui se traduit aujourd’hui partout dans la phobie et l’obsession de la manipulation. [...]

C’est que cette manipulation renvoie à celle, originelle, du sujet par la mère comme de son propre phallus. A cette plénitude fusionnelle et manipulatoire, à cette dépossession, il n’est plus possible de s’opposer comme à la loi transcendante du Père. Toute révolution future doit tenir compte de cette condition fondamentale, et retrouver – entre la loi du Père et le désir de la mère, entre le "cycle" répression/transgression et le cycle régression/manipulation – la forme d’articulation du symbolique.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 185 à 187

[ réification ] [ surmoi maternel ] [ dévoration ]

 

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