Quand j’écris vraiment, je n’ai plus de stylo, plus de pinceau, plus d’encre, plus de papier. Les mots sont directement flottants, là, incarnés au bout de mon cerveau. Ça arrive combien de fois dans une journée ? Deux ? Trois ? On peut parler de grâce pour ces moments-là. Et puis, entre ces moments, toute la lourdeur longue. Corps, papier visible, mots à raturer, calcul des pages, des enjambements d’épisodes…
Ce que j’ai appris (en écrivant des romans alimentaires – vérification aujourd’hui avec le roman) : qu’on peut être assez dans l’événement raconté – dans chacun de ceux qui en font partie, dans le décor, dans le commentaire de l’ensemble – pour que, par exemple, un personnage ouvre une porte, descende un escalier, sans qu’on ait besoin de parler de porte, de geste, de descente, de marches… Tout cela s’est effectué sous hypnose. Si on n’y est pas soi-même, dans cette hypnose vigilante, c’est le produit de remplacement lourd, la simulation, il faut les dire les marches, le geste, la porte – et c’est à ce moment-là justement que le lecteur ne voit plus rien… Pour que ce soit bon, mon personnage doit être sorti d’une pièce avant que moi-même je m’en sois "aperçu". Il doit le faire sans "moi".
Années: 1945 - 2006
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: essayiste et romancier
Continent – Pays: Europe - France