Pour appréhender l'histoire, il faut lire les biographies, non pas celles des hommes d'Etat, mais celles, trop rares, de citoyens ordinaires inconnus. On y verra que tel "événement historique" passe sur la vie privée - qui est la vraie vie - comme un nuage au-dessus d'un lac : rien ne bouge, on apercoit tout juste un reflet fugitif. Tel autre agite l'eau à la façon d'un ouragan, au point que le paysage en devient méconnaissable. Quant au troisième, il sera peut-être capable de dessécher tous les lacs.

A considérer son œuvre comme pour partie autobiographique, on prend la mesure du combat entre Nougaro et les mots. Non pas le langage, véhiculaire et fonctionnel, mais bien les mots. Détachés de leur contexte. Présentés sur le velours pourpre d'un écrin nommé chanson ; ou poème...

" Les mots bruissants comme des rameaux

  Les mots ciselés comme des émaux. "

Les mots sont les briques des poètes, de ces peintres sur le motif de la vie. Et les mots leur sont autant esquisse que tableau. Nougaro a ce sens rare des images qui surgissent, au fil des mots.

"Dans une ferme du Poitou

  Un coq aimait une pendule."

Cette fable surréaliste, inspirée de la passion entre un musicien ami de Nougaro et sa femme, d'origine suisse, tient par la mélodie, bossa nova légère, mais aussi et surtout par la juxtaposition de deux mots : coq et pendule. Dans une veine qui n'aurait pas reniée André Breton, Nougaro fait faire aux mots le grand écart du sens, afin que de la juxtaposition de deux termes l'un à l'autre naisse un sens nouveau. C'est cela, entre autres, l'alchimie des mots concoctée par le grand Claude, qui aimait se dire "motsicien".

Combat des mots. Jeu de mots.