entretien
Enfin, je fus introduit dans le bureau de M. Bressy. Sans me regarder, il me désigna un siège. Je l’observai. Je craignais qu’il n’en sût plus à mon sujet que Juliette ne me l’avait dit. Il avait beau s’intéresser à moi, puisqu’il avait dit à Juliette de me conduire à lui, il n’avait absolument pas l’air de soupçonner ma présence.
La sonnerie du téléphone retentit. Il se passa à ce moment quelque chose de vraiment curieux. En écoutant la personne qui lui téléphonait et qu’il ne voyait pas, il me regarda. Je souris. Je croyais que ce qu’elle lui disait ne l’intéressait pas et qu’il profitait de la liberté d’esprit que cela lui donnait pour faire en quelque sorte connaissance avec moi. Mais je m’aperçus peu après avec surprise qu’il ne me voyait pas.
Au moment où je m’imaginais qu’il me souhaitait la bienvenue avec ses yeux, il dit tout à coup, toujours sans cesser de me regarder :
- Ah ! non, non… c’est impossible… Mettez-vous à ma place. Que feriez-vous ? Non. Nous en reparlerons plus tard.
Il raccrocha sans hésitation, sans ajouter un mot, et son visage redevint immobile.
J’avais assisté à toutes sortes de mouvements de son âme, et il n’en était nullement gêné. Il se mit à prendre quelques notes, puis à chercher un dossier. Tout à coup, je ressentis un immense soulagement. Il venait simplement de dire, en se parlant à lui-même : "C’est extraordinaire, on ne trouve jamais ce que l’on cherche." Je marmonnai quelques mots par politesse, ne sachant si je devais le faire ou non, puisque c’était à lui-même qu’il parlait et non à moi.
Auteur:
Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois
Années: 1898 - 1945
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Non-lieu, Editions Archipoche, Paris, 2025, page 269
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hiérarchie
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indifférence
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établissement du lien
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embarras
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