La simple omission des écrits de Jane Austen fera d'une bibliothèque sans livre une bibliothèque convenable.

Chez Annie Ernaux la vie est toujours carrée et le monde binaire : présents versus absents, dominants contre dominés, femmes vs hommes. La réalité ne se réduit jamais à un pareil simplisme.

Elle est en effet encore fort jolie, - et jolie n'est pas le mot. Ce qu'il faudrait dire c'est qu'elle respire la volupté, l'amour, la passion, la sensualité, avec un grand fond de mélancolie qu'on devine bien.

Un récit de 160 pages, progressant au rythme d’imprévisibles plongées en apnées qui maintiennent le regard sous la peau du monde, afin d’en révéler non pas l’envers, mais la couche de perspectives truquées à traverser de toute urgence comme autant de milieux transparents pour enfin connaître la déconcertante matière de ce qui nous arrive.

Pour rire (du moins espérons-le), Margot Duras nous avait jadis produit, comme chef-d'oeuvre de la littérature à la fois féminine et contemporaine (rayez l'épithète que vous jugerez en contradiction avec le mot qu'elle qualifie), la liste des commissions de la ménagère. Dieu merci, les choses ne tenait que sur le quart d'une demi-page. Depuis, Gavalda a fait mieux -elle nous en sert des livres, écrits sur le même modèle, dont l'intérêt oscille entre le bon de commande d'une dinde du VIe arrondissement au magasin de surgelés Picard du bout de la rue, le journal intime d'une mongolienne sentimentale en train de tripler sa classe de seconde, et le skyblog d'une attardée de sous chef-lieu de canton, rêvant de son boy's band préféré.

Anaïs Jeanneret n’a pas de chance. Elle a pourtant tenté de mettre tous les atouts de son côté : écriture imitant Marguerite Duras, personnages copiés sur ceux de Françoise Sagan, situations se déroulant entre Saint-Germain des Prés et l’île de Ré, avec deci delà une touche de social pour faire peuple peut-être. Mais ces personnages pris soi disant à la charnière de leur vie sont tellement stéréotypés qu’on n’y croit pas un instant. Mais Anaïs Jeanneret a de la chance. Elle est la compagne de Vincent Bolloré, le fossoyeur de l’esprit Canal, et le grand ami des dictateurs africains. Il est surtout copain (et voisin) de Arnaud Lagardère, propriétaire de Paris Match, Elle, Europe 1, et les critiques dans ces médias ont beaucoup aimé le roman. Allez savoir pourquoi...

Les mondanités commencèrent pour lui dans les salons d'Anna Akhamatova.

C'était un signe de la renommée ascendante de Sergueï qu'il eût reçu une invitation pour une soirée chez cette poétesse déjà illustre à vingt-cinq ans. Les vers du Rosaire et de La Volée blanche couraient sur toutes les bouches. Elle habitait avec son mari, sur le canal de Fontanka (Saint-Pétersbourg), un grand appartement encombré d'un nombre invraisemblable de meubles et de fanfreluches, à travers lesquels, il fallait se frayer un passage en prenant garde de ne pas heurter quelque objet de valeur. Des soucoupes où brûlait de l'encens, des statuettes en porcelaine, en plâtre, en terre cuite, des bibelots en pierres dures de l'Oural étaient disséminés un peu partout. Un très ancien vase de Chine en céramique blanche ornée de fleurs et d'oiseaux était posé sur le plateau de marbre de la cheminée. Les murs étaient peints en vert pâle, l'éclairage subtilement tamisé, en sorte que j'eus l'impression de pénétrer à l'intérieur d'un aquarium. Les invités s'y mouvaient avec une lenteur de poissons. Ils venaient saluer tour à tour la maîtresse de maison assise sous un dais. Arrivés en sa présence, ils ouvraient la bouche mais restaient muets car ils ne trouvaient aucun compliment à lui faire qui leur parût digne de cette figure qui tenait de la Muse et du Sphinx.