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théologie-philosophie

La science sacrée peut faire des emprunts aux sciences philosophiques, mais ce n’est pas qu’elles lui soient nécessaires, c’est uniquement en vue de mieux manifester ce qu’elle-même enseigne. Ses principes ne lui viennent en effet d’aucune autre science, mais de Dieu immédiatement, par révélation ; d’où il suit qu’elle n’emprunte point aux autres sciences comme si celle-ci lui étaient supérieures, mais au contraire qu’elle en use comme d’inférieures et de servantes […].

Auteur: Saint Thomas d'Aquin

Info: Somme théologique, I, q.1, a.5

[ subordination ] [ dépendance ] [ hiérarchie ]

 

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théologie-philosophie

Heidegger excelle à donner l’impression d’un questionnement d’une indépassable rigueur. Philosophe dominant de notre époque, avec Wittgenstein, il se permet de faire la leçon aux croyants, lui qui n’a pas la foi, mais qui, en théologie, n’est pas "sans y entendre quelque chose" [Séminaire de Zurich, Poésie 13, 1980, p.60]. On trouve pourtant chez lui bien des à-peu-près. Les théologiens, dit-il [Questions I, Gallimard, p.40] devraient se souvenir que saint Paul a enseigné que la philosophie était folie (1 Co. 1, 20) : la philosophie serait ainsi incompatible avec la foi. Mais, pour saint Paul, la foi aussi est folie (Ibid., 21). Ce qui est folie, en philosophie, ce sont ses prétentions à la sagesse au regard du salut en Jésus-Christ, non l’effort rationnel pour rendre compte de l’existence des choses en remontant jusqu’à leur Cause. Saint Paul affirme au contraire la validité de cette démarche théologique et c’est pourquoi les païens impies sont inexcusables (Ro., 1, 20). Ce que L’Introduction à la métaphysique nous dit de la foi est d’ailleurs d’une extrême platitude.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, page 79

[ critique ]

 
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théologie-philosophie

Or, si Dieu a créé l’intelligence de telle sorte qu’elle ne peut réaliser la perfection de sa nature qu’en accédant à la connaissance de l’Etre parfait, puisque Dieu ne fait rien en vain, il s’ensuit que l’union à Dieu semble due à l’intellect en vertu même de sa nature […].

Il n’y a donc pas de finalité purement naturelle pour l’homme qui n’accomplit sa nature que dans la surnature. La destinée de l’homme est naturellement surnaturelle. Mais alors, si l’on admet ces conclusions, ne risque-t-on pas de ruiner la gratuité de la grâce et de la soumettre à la nécessité de la nature ? C’est ce que l’encyclique Humanis generis (1950) entendait expressément condamner […]. […]

Il nous semble cependant que la crainte de voir la thèse d’un désir naturel du surnaturel ruiner la gratuité de la grâce résulte d’une conception trop fortement aristotélicienne de l’ordre naturel. Il y a, chez Aristote, une certaine tendance au naturalisme, c’est-à-dire à considérer l’ensemble des êtres comme un système rigide de natures complètes en elles-mêmes, parfaitement constituées et pleinement consistantes dans leur ordre, et à estimer qu’une telle considération suffit à en épuiser le mystère. Dans une telle conception, la nature exclut de soi la surnature comme le cercle exclut de soi le carré.

Il nous semble que ce naturalisme n’est pas tout à fait chrétien, ni vraiment conforme à ce qu’enseigne la Révélation telle qu’elle nous est donnée dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. Il n’est peut-être même pas conforme à ce qu’enseigne Aristote chez qui se faisait jour, a-t-on dit, un certain "surnaturalisme" de la forme intelligible. Quoi qu’il en soit, il nous paraît difficile d’admettre que l’ordre de la nature est par lui-même complet et autonome, qu’il s’agisse de l’homme ou de la création en général. Tout au contraire, nous croyons que ni l’homme ni le monde ne sont achevés en eux-mêmes et par eux-mêmes. Il n’y a pas d’état de "pure nature" sauf en Dieu, au degré des Idées éternelles dont le Verbe est la synthèse proto-typique.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 18-20

[ actualisation ] [ christianisme ] [ naturel-surnaturel ]

 

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théologie-philosophie

Nous envisageons donc en Dieu une distinction principielle et surintelligible, celle de l’Essence infinie et de l’Auto-détermination ontologique. Mais leur distinction n’implique aucune séparativité et leur unité aucune contradiction. A cet égard, il est antimétaphysique, sous prétexte de satisfaire aux exigences de la critique heideggérienne et d’échapper au reproche d’ontothéologie, de vouloir chasser l’être hors de la théologie (après que Heidegger s’est efforcé de chasser Dieu hors de l’être), comme s’il faisait obstacle à une véritable approche du divin. Non seulement l’être ne s’oppose pas à l’intelligence du mystère de Dieu, mais encore, comme nous l’avons déjà souligné, pour nous les hommes, il n’y a, en dehors de l’Etre, aucun accès possible à ce mystère : sans ontologie, pas de théologie : "Être est mon nom" dit Dieu dans le Buisson ardent, le Nom par lequel Il veut être connu et invoqué ; de même que, sans théologie, pas d’ontologie véritable, puisque seule l’identification de l’être à l’Etre par excellence qu’est Dieu l’arrache à l’abstraction du concept et le pose dans le mystère de sa transcendance vivante, ce qu’Aristote avait admirablement entrevu ; expliquant que la joie de l’intellect réside dans la contemplation en acte de l’intelligible […].

Mais en outre, et c’est sur ce thème que nous voulons insister, on ne saurait non plus envisager la distinction de l’Être et du Non-Être comme s’il y avait entre les deux une opposition de contradiction, bien que le langage semble nous y inviter. […] Il faut donc admettre la pleine validité du principe de contradiction sur le plan de l’ontologie de la substance. Mais il n’en va plus tout à fait de même dans l’ordre méontologique, à propos duquel on peut bien parler d’un principe de non-contradiction absolue, principe qui est exigé par la pensée elle-même, et qui ne contredit nullement le principe de contradiction. […]

Le dilemme devant lequel est placée la pensée philosophique, c’est en dernière analyse qu’elle ne peut rendre compte de l’être des réalités contingentes sans faire appel à la réalité d’un Être nécessaire et premier, et, qu’en même temps, chacune de ces deux sortes d’être se contrepose à l’autre, en sorte que les êtres contingents relativement à cet Être nécessaire qui pourtant les fait être comme s’ils n’étaient pas (selon une formule mainte fois reprise par les théologiens) ; ce qui est bien paradoxal. La pensée philosophique est ainsi requise, sinon de résoudre ce paradoxe, du moins de le dépasser sans pour autant le supprimer (car il a sa pleine validité sur son propre plan). Elle doit, pour cela, s’efforcer d’entrevoir comment il serait possible que la Réalité divine incréée ne s’oppose pas à la réalité contingente de la créature. Or, cela ne peut se faire par la suppression du Dieu-Être, puisque au contraire la nécessité de l’Être premier est philosophiquement avérée. Si donc on entend dépasser le point de vue strictement ontologique, ce ne peut être qu’en s’élevant à un point de vue qui, loin d’éliminer l’Être, permet de concevoir la condition métaphysique de sa possibilité. S’élever à ce point de vue, ce n’est pas céder à quelque démesure de la pensée, à quelque vertige ascensionnel qui pousserait le philosophe à vouloir monter toujours plus haut, en oubliant toute prudence et toute rigueur. C’est au contraire obéir aux exigences les plus certaines de la pensée philosophique […].

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 96 à 98

[ nécessité logique ] [ progression ]

 

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