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stratège

Il faut que la France soit de nouveau pleinement présente à la guerre, participe au prix de son sang à la victoire ; mais cela ne saurait suffire. Cela pourrait se produire dans les ténèbres, et le vrai profit alors serait faible.

Il faut de plus que l’aliment de son énergie guerrière ne soit pas autre chose que son véritable génie, retrouvé dans les profondeurs du malheur, bien qu’avec un degré de conscience inévitablement faible d’abord après une pareille nuit.

La guerre même peut alors en faire une flamme.

La vraie mission du mouvement français de Londres est, en raison même des circonstances politiques et militaires, une mission spirituelle avant d’être une mission politique et militaire.

Elle pourrait être définie comme étant la direction de conscience à l’échelle d’un pays.

Le mode d’action politique esquissé ici exige que chaque choix soit précédé par la contemplation simultanée de plusieurs considérations d’espèce très différente. Cela implique un degré d’attention élevé, à peu près du même ordre que celui qui est exigé par le travail créateur dans l’art et la science.

Mais pourquoi la politique, qui décide du destin des peuples et a pour objet la justice, exigerait-elle une attention moindre que l’art et la science, qui ont pour objet le beau et le vrai ?

La politique a une affinité très étroite avec l’art ; avec des arts tels que la poésie, la musique, l’architecture.

La composition simultanée sur plusieurs plans est la loi de la création artistique et en fait la difficulté.

[…]

La politique, elle aussi, est un art gouverné par la composition sur plans multiples. Quiconque se trouve avoir des responsabilités politiques, s’il a en lui la faim et la soif de la justice, doit désirer recevoir cette faculté de composition sur plans multiples, et par suite doit infailliblement la recevoir avec le temps.

Seulement, aujourd’hui, le temps presse. Les besoins sont urgents.

La méthode d’action politique esquissée ici dépasse les possibilités de l’intelligence humaine, du moins autant que ces possibilités sont connues. Mais c’est là précisément ce qui en fait le prix. Il ne faut pas se demander si l’on est ou non capable de l’appliquer. La réponse serait toujours non. Il faut la concevoir d’une manière parfaitement claire ; la contempler longtemps et souvent ; l’enfoncer pour toujours au lieu de l’âme où les pensées prennent leurs racines ; et qu’elle soit présente à toutes les décisions. Il y a peut-être alors une probabilité pour que les décisions, bien qu’imparfaites, soient bonnes. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, pages 272-275

[ technè ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

stratège

Cette vie [d’Alcibiade] nous est décrite par PLUTARQUE dans ce que j’appellerai l’atmosphère alexandrine, c’est à savoir d’un drôle de moment de l’histoire, où tout des personnages semble passer à l’état d’une sorte d’ombre. Je parle de l’accent moral de ce qui nous vient de cette époque qui participe d’une sorte de sortie des ombres, une sorte de νέκυια [nékuia = évocation des morts qui permet de connaître son futur] comme on dit dans l’Odyssée.

[…] cet ALCIBIADE qui d’autre part est une sorte de pré-ALEXANDRE, personnage dont sans aucun doute les aventures de politique sont toutes marquées du signe du défi, de l’extraordinaire tour de force, de l’incapacité de se situer ni de s’arrêter nulle part, et partout où il passe renversant la situation et faisant passer la victoire d’un camp à l’autre partout où il se promène, mais partout pourchassé, exilé, et - il faut bien le dire - en raison de ses méfaits.

Il semble que si Athènes a perdu la guerre du Péloponnèse, c’est pour autant qu’elle a éprouvé le besoin de rappeler ALCIBIADE en plein cours des hostilités pour lui faire rendre compte d’une obscure histoire, celle dite de "la mutilation des Hermès", qui nous parait aussi inexplicable que farfelue avec le recul du temps, mais qui comportait sûrement dans son fond un caractère de profanation, à proprement parler d’injure aux dieux.

Nous ne pouvons pas non plus absolument tenir la mémoire d’ALCIBIADE et de ses compagnons pour quitte. Je veux dire que ce n’est sans doute pas sans raisons que le peuple d’Athènes lui en a demandé compte. Dans cette sorte de pratique, évocatrice par analogie, de je ne sais quelle messe noire, nous ne pouvons pas ne pas voir sur quel fond d’insurrection, de subversion par rapport aux lois de la cité, surgît un personnage comme celui d’ALCIBIADE.

Un fond de rupture, de mépris des formes et des traditions, des lois, sans doute de la religion même. C’est bien là ce qu’un personnage traîne après lui d’inquiétant. Il ne traîne pas moins une séduction très singulière partout où il passe. Et après cette requête du peuple athénien, il passe ni plus ni moins à l’ennemi, à Sparte, à cette Sparte d’ailleurs dont il [Alcibiade] n’est pas pour rien qu’elle soit l’ennemie d’Athènes, puisque préalablement, il a tout fait pour faire échouer en somme, les négociations de concorde.

Voilà qu’il passe à Sparte et ne trouve tout de suite rien de mieux, de plus digne de sa mémoire, que de faire un enfant à la reine, au vu et au su de tous. Il se trouve qu’on sait fort bien que le roi AGIS ne couche pas depuis dix mois avec sa femme pour des raisons que je vous passe. Elle a un enfant, et aussi bien ALCIBIADE dira : "au reste, ce n’est pas par plaisir que j’ai fait ça, c’est parce qu’il m’a semblé digne de moi d’assurer un trône à ma descendance, d’honorer par là le trône de Sparte de quelqu’un de ma race". Ces sortes de choses, on le conçoit, peuvent captiver un certain temps, elles se pardonnent mal. Et bien sûr vous savez qu’ALCIBIADE, après avoir apporté ce présent et quelques idées ingénieuses à la conduite des hostilités, va porter ses quartiers ailleurs.

Il ne manque pas de le faire dans le troisième camp, dans le camp des Perses, dans celui qui représente le pouvoir du roi de Perse en Asie Mineure, à savoir TISSAPHERNE qui - nous dit PLUTARQUE - n’aime guère les Grecs. Il les déteste à proprement parler, mais il est séduit par ALCIBIADE. C’est à partir de là qu’ALCIBIADE va s’employer à retrouver la fortune d’Athènes.

Il le fait à travers des conditions dont l’histoire bien sûr, est également fort surprenante puisqu’il semble que ce soit vraiment au milieu d’une sorte de réseau d’agents doubles, d’une trahison permanente : tout ce qu’il donne comme avertissements aux Athéniens est immédiatement à travers un circuit rapporté à Sparte et aux Perses eux-mêmes qui le font savoir à celui nommément de la flotte athénienne qui a passé le renseignement, de sorte qu’à la fois il se trouve à son tour savoir, être informé, qu’on sait parfaitement en haut lieu qu’il a trahi. Ces personnages se débrouillent chacun comme ils peuvent.

Il est certain qu’au milieu de tout cela ALCIBIADE redresse la fortune d’Athènes. À la suite de cela, sans que nous puissions être absolument sûrs des détails, selon la façon dont les historiens antiques le rapportent, il ne faut pas s’étonner si ALCIBIADE revient à Athènes avec ce que nous pourrions appeler les marques d’un triomphe hors de tous les usages, qui - malgré la joie du peuple athénien - va être le commencement d’un retour de l’opinion. Nous nous trouvons en présence de quelqu’un qui ne peut manquer à chaque instant de provoquer ce qu’on peut appeler l’opinion.

Sa mort est une chose bien étrange elle aussi. Les obscurités planent sur qui en est le responsable. Ce qui est certain c’est qu’il semble, qu’après une suite de renversements de sa fortune, de retournements, tous plus étonnants les uns que les autres - mais il semble qu’en tout cas, quelles que soient les difficultés où il se mette, il ne puisse jamais être abattu - une sorte d’immense concours de haines va aboutir à en finir avec ALCIBIADE par des procédés qui sont ceux dont la légende, le mythe, disent qu’il faut user avec le scorpion : on l’entoure d’un cercle de feu dont il s’échappe et c’est de loin à coups de javelines et de flèches qu’il faut l’abattre.

Telle est la carrière singulière d’ALCIBIADE.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 novembre 1960

[ Grèce antique ] [ aventures ] [ historique ] [ résumé ]

 

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