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frangine
Ma soeur, une nuée toujours ombrait tes paupières. Accoudée au balcon - une enfant encore - tu regardais la mer dérouler le rêve de la solitude sans fin. Tu alimentais ton coeur des feuilles de l'automne La mère reflétait l'énigme de son ombre dans le fond de tes yeux. La pâle lueur de ton visage errait sur le plancher de notre demeure. Nous ne te vîmes jamais pleurer. Là seulement sur tes tempes les veines ténues pareilles à des filons de lumière bleue battaient la fièvre de tes lèvres recluses. (Combien de fois, aux heures où tu dormais, je me penchais sur elles pour y lire ton secret.) Remplie d'amour et de pitié tu pansais nos blessures et te taisais. Ton silence avisait de tout. Par les soirs d'hiver tu avançais seule dans la forêt pour soigner les moineaux nus, pour réchauffer les insectes transis. Grain à grain tu amassais en toi les larmes des pauvres, des humbles. Et quand s'effondra notre maison ce fut toi encore qui resta droite - ombre de la Sainte Vierge - afin de me montrer les étoiles au travers des trouées du toit. Désormais ton silence s'est brisé et dans le petit coquillage que tu cachais j'ai écouté les clameurs de l'océan. Ma soeur, il ne m'est resté pas même une pierre où m'étendre.
Auteur: Yannis Ritsos
Années: 1919 - 1990
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - Grèce
Info: Le chant de ma soeur : Edition bilingue français-grec.
[ eulogie ] [ poème ]
Le sous-projectionniste
09.06.2022
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