Je suis assis sur le rebord du monde, les pieds suspendus au-dessus du vide. Le vent me traverse, emportant avec lui des poussières d’étoiles mortes il y a des milliards d’années. Je respire, et l’univers entre en moi, atome par atome, souvenir par souvenir.
Je suis un instant figé dans le flux. Treize milliards d’années ont convergé pour que cette chair, ces pensées, ce souffle existent. Je porte en moi des vestiges de supernovae, des échos du Big Bang, des fragments de temps cristallisés en mémoire. Mon sang contient le fer forgé dans le cœur d’astres disparus. Mon esprit est un feu follet allumé par la friction de l’histoire cosmique.
Et pourtant, je suis poreux. Le monde ne cesse de me traverser : la lumière me sculpte, les sons m’ébranlent, les idées d’autrui se faufilent dans mes synapses comme des passagers clandestins. Je ne suis qu’un lieu de passage, une halte provisoire pour des forces bien plus anciennes que moi.
Je me complais parfois dans des labyrinthes mentaux, croyant y trouver refuge. Mais même là, l’univers me poursuit. Chaque concept, chaque abstraction n’est qu’un écho déformé de ce qui m’a formé. La complexité n’est qu’un leurre – une tentative désespérée de croire que je peux contenir ce qui, en réalité, me contient.
Ce soir, sous un ciel criblé d’étoiles, je tends les mains. Je ne sais plus si je cherche à attraper quelque chose ou à me donner. Peut-être les deux. Peut-être n’y a-t-il finalement aucune différence.
Je suis traversé.
Je traverse.
Et dans cet échange perpétuel,
je deviens,
pour un bref instant,
le point de rencontre
de tout ce qui fut
et de tout ce qui sera.