Pouvais-je être totalement moi-même au milieu de personnes qui étaient totalement elles-mêmes et faire famille ? Est-ce que l’adhésion totale à la même éthique, à la même religion, aux mêmes désirs était une condition de l’amour ? Être différents nous rendait-il forcément étrangers les uns aux autres ?

La gravité de ce moment restera figée dans ma mémoire. Je les connais ces moments, j’en ai vécu mille à d’autres occasions, ces moments qui durent mille ans, où le temps s’étire et baille pendant que l’on nous abreuve de discours sans arguments, bancals jusqu’à l’absurde, risibles mais assénés comme des vérités, des certitudes sur la vie, une connaissance précise de son déroulement, des chemins à prendre, des murs qui guettent, mais qui sont en réalité des opinions, des convictions personnelles et surtout des choix, des choix faits par d’autres, des contrats passés par d’autres et qui, quand on dépend financièrement des autres, deviennent des commandements, sans aucune possibilité de discussion, de débat, de renouveau, aucun recours. Il y a des ordres et, en face, il y a exécution.