Loin d'être figé dans une définition, l'univers des phénomènes occultes est en mouvement. C'est un processus qui ne réside pas dans le monde des idées, mais s'inscrit dans des pratiques discursives et des constructions langagières. Dans le travail de définition et de production de frontières entre les disciplines et les personnes tel que nous l'avons présenté, chaque acteur avait sa façon de retracer l'évolution des débats et de distribuer les personnes et les catégories, ce qui fournissait l'occasion d'incessantes querelles. Ce travail ne construit pas tant une opposition entre des pratiques occultistes et des pratiques scientifiques qu'un discours sur la science idéale.

D'où il faut bien conclure que l'aspect le plus intéressant des querelles autour du vocabulaire de l'occulte dans la période étudiée n'est pas le prétendu caractère pseudo-scientifique du domaine en question, mais cette façon d'entériner, même en le critiquant, le discours scientifique. Les différents porte-parole de l'occulte ne peuvent s'empêcher de se justifier par rapport à la science expérimentale. L'occulte, censé être opposé aux sciences, est en fait profondément façonné par la référence scientifique. L'occulte, ce n'est pas une forme d'irrationnel mais une participation active à la construction et au maintien de la frontière entre rationnel et irrationnel. Les acteurs ne se situent pas d'un côté ou de l'autre du Grand Partage, mais construisent ce partage par le travail de lien social et de définition qu'ils effectuent. Bien loin d'être une pseudo-science, l'occultisme a apporté sans doute l'une des plus importantes contributions à la construction historique du discours rationaliste sur les sciences.