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anamnèse

[…] le rôle thérapeutique de la mémoire découle de la valeur de vérité de la mémoire. Sa valeur de vérité réside dans la fonction spécifique de la mémoire qui est de conserver les promesses et les potentialités qui sont trahies et même mises hors la loi par l’individu adulte, civilisé, mais qui ont été jadis réalisées dans son passé obscur, ce qu’il n’oublie jamais complètement. Le principe de réalité réprime la fonction cognitive de la mémoire, le fait qu’elle renvoie à l’expérience passée de bonheur nourrit le désir de sa re-création consciente. La libération psychanalytique de la mémoire fait éclater la rationalité de l’individu réprimé. Comme la connaissance recule devant la récognition, les représentations interdites et les pulsions de l’enfance commencent à dire cette vérité que la raison nie. Ainsi la régression assume une fonction progressive. 

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, page 29

[ vrai self ] [ souvenirs ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sociologie

Les jugements de valeur sont sûrement inévitables. Les moyens établis pour organiser la société doivent être comparés à d'autres moyens éventuels, plus susceptibles d'alléger la lutte de l'homme pour l'existence. Chaque solution pratique et historique donnée doit être confrontée à ses propres alternatives historiques. Dès le départ toute théorie critique de la société doit aborder le problème de l'objectivité historique. C'est un problème qui apparaît clairement aux deux niveaux où l'analyse implique des jugements de valeur:
1.-Elle implique que la vie humaine est digne d'être vécue ou plus exactement qu'elle peut l'être et qu'elle doit être rendue telle. Ce jugement est la base de tout effort intellectuel; il constitue l'a priori de toute théorie sociale et le refuser (ce qui serait parfaitement logique) impliquerait le refus de la théorie elle-même.
2.-Elle implique que pour une société donnée, il existe des possibilités spécifiques pour améliorer la vie humaine et des voies et des moyens spécifiques pour réaliser ces possibilités.

Auteur: Marcuse Herbert

Info: L'Homme unidimensionnel: Essai sur l'idéologie de la société industrielle avancée

[ politique ]

 

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société alternative

Fourier affirme l’existence d’une attraction industrielle qui rend possible une coopération agréable. Elle est fondée sur une attraction passionnée dans la nature de l’homme qui persiste en dépit de l’opposition de la raison, du devoir, des préjugés. Cette attraction tend vers trois objectifs principaux : la création du "luxe, ou du plaisir des cinq sens", la formation de groupes libidineux (d’amitié ou d’amour) ; et l’établissement d’un ordre harmonieux organisant ces groupes de travail en accord avec le développement des "passions individuelles" ("jeu" interne et externe des facultés). Fourier est celui des socialistes utopiques qui est le plus près l’élucider le fait que la liberté dépende de la sublimation non-répressive. Cependant, dans son plan détaillé de réalisation de l’idée, il la confie à une organisation et à une administration géantes, et conserve ainsi les éléments répressifs. Les communautés ouvrières du phalanstère annoncent plutôt "la force par la joie" (Kraft durch Freude) que la liberté ; l’amélioration de la culture de masse que son abolition.

Auteur: Marcuse Herbert

Info: A propos de Charles Fourier dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, page 189

[ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

contrefaçon

Les écoles culturalistes et interpersonnelles, tendances les plus populaires de la psychanalyse d’aujourd’hui, constituèrent le centre du "révisionnisme". Nous allons essayer de montrer comment dans ces écoles la théorie psychanalytique se transforme en idéologie : la "personnalité" et ses potentialités créatrices sont ressuscitées en face d’une réalité qui tend à éliminer les conditions nécessaires au développement de la personnalité. Freud avait mis à jour l’œuvre de la répression dans les valeurs les plus hautes de la civilisation occidentale, civilisation qui présuppose l’aliénation et la souffrance et les perpétue. Les écoles néo-freudiennes proclament ces mêmes valeurs comme moyen de guérison contre l’aliénation et la souffrance, c’est-à-dire comme un prétendu triomphe sur la répression. Cet exploit intellectuel s’accomplit en édulcorant la dynamique des instincts et en réduisant sa portée dans la vie mentale. Ainsi purifiée, l’ "âme" peut à nouveau être sauvée par une éthique idéaliste et par la religion ; ainsi la théorie freudienne de l’appareil mental et psychique peut être réécrite comme une philosophie de l’âme. 

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, page 208

[ dévoiement ] [ retour de la croyance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

expression individuelle

Il est évident qu’on peut pratiquer les activités non répressives dans le cadre de la société donnée, par exemple dans le domaine de l’habillement et du déshabillage, dans l’attirail débridé de la vie hot ou cool, du beatnick. Mais dans la société actuelle, ce genre de protestation devient facilement le véhicule de la stabilisation et même du conformisme, non seulement parce qu’il laisse intactes les racines du mal, mais aussi parce qu’il cautionne l’oppression générale en montrant qu’on peut exercer dans ses cadres les libertés personnelles. Il est bien que ces libertés privées puissent encore être pratiquées et qu’elles le soient, néanmoins la servitude générale leur donne un contenu répressif. Jadis la liberté à l’égard de la répression était le privilège exclusif d’une couche supérieure faible numériquement ; dans des conditions exceptionnelles, elle était également permise à la couche la plus défavorisée de la population et utilisée par cette couche pour abattre un ennemi désigné. Au contraire, la civilisation industrielle avancée démocratise la liberté utile, et cette compensation sert à renforcer le gouvernement qui la permet et les institutions qui la dispensent et l’organisent.

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, pages 11-12

[ piège ] [ insignifiance ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

psycho-sociologie

Par l’intermédiaire de la lutte contre le père et la mère, en tant que cibles personnelles d’amour et d’agression, la jeune génération entrait dans la vie sociale avec des impulsions, des idées, des besoins qui, dans une large mesure, lui appartenaient en propre. Par conséquent, la formation du surmoi, la modification répressive des instincts, la renonciation et la sublimation étaient des expériences très personnelles. Justement à cause de ça, leur adaptation laissait des cicatrices douloureuses, et la vie sous le principe de rendement conservait encore une sphère de non-conformisme privé.



Maintenant, sous le règne des monopoles culturels, économiques et politiques, la formation du surmoi adulte semble sauter l’étape de l’individualisation : l’unité génétique devient directement une unité sociale. L’organisation répressive des instincts semble être collective et le moi semble être prématurément socialisé par tout un système d’agents et d’agences extra-familiaux. Dès le niveau pré-scolaire, les "bandes", la radio et la télévision fixent le modèle du conformisme et de la rébellion ; les incartades commises par rapport à ce modèle sont punies non pas tant à l’intérieur de la famille qu’à l’extérieur et contre elle. Les experts des mass-media transmettent les valeurs exigées : ils offrent une parfaite éducation de l’efficacité, de la ténacité, de la personnalité, de la rêverie et du sentimentalisme. Contre une telle éducation, la famille n’est plus capable de lutter. Dans la lutte entre les générations, les rôles semblent être inversés : le fils a une connaissance meilleure ; il représente le principe de réalité la plus moderne, contre les formes paternelles désuètes. Le père, premier objet d’agression dans la situation œdipienne, apparaît maintenant comme un but d’agression plutôt inadéquat. Son autorité comme dispensateur de la richesse, de l’habileté et de l’expérience se trouve considérablement réduite. 

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, pages 91-92

[ évolution ] [ économie psychologique ] [ identifications ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

philosophie hégélienne

La Phénoménologie de l’Esprit montre la structure de la raison comme structure de la domination et comme dépassement de cette domination. La raison se développe à travers le développement de la conscience de soi de l’homme qui triomphe de la nature et du monde historique et en fait le matériau de sa propre réalisation. […]

Mais la Phénoménologie de l’Esprit ne serait pas l’auto-interprétation de la civilisation occidentale si elle n’était rien de plus que le développement de la logique de la domination. La Phénoménologie de l’Esprit conduit au dépassement de cette forme de liberté qui provient de la relation antagonique avec l’autre. Et le vrai mode de liberté n’est pas l’activité incessante de la conquête, mais la cessation de cette activité, dans la connaissance limpide et la satisfaction de l’être.  […]

Tout au long de la Phénoménologie de l’Esprit, la tension entre le contenu ontologique et le contenu historique demeure : les manifestations de l’esprit sont les étapes principales de la civilisation occidentale, mais ces manifestations historiques restent entachées de négativité, l’esprit ne revient à lui que dans le savoir absolu et en tant que savoir absolu. C’est en même temps la forme vraie de la pensée et la forme vraie de l’être. L’être est dans son essence même raison. Mais la forme la plus haute de la raison est, pour Hegel, presque à l’opposé de la forme existante : elle est plénitude atteinte et conservée, unité transparente du sujet et de l’objet, de l’universel et de l’individuel, une unité dynamique plutôt que statique, dans laquelle tout devenir est une auto-extériorisation libre (Selbst-Entäusserung), une libération et une jouissance des potentialités. Le travail de l’histoire trouve sa fin dans l’histoire : l’aliénation disparaît, et avec elle la transcendance et le flux du temps. L’esprit "dépasse" sa forme temporelle ; il nie le Temps. Mais la "fin" de l’histoire se ressaisit de son contenu : la force qui accomplit la conquête du temps est la mémoire (recollection du souvenir). […]

L’être n’est plus la transcendance douloureuse vers l’avenir, mais la reconquête pacifique du passé.

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, pages 105-108, à propos d'un ouvrage de Hegel

[ résumé ] [ souvenir ] [ ouroboros ] [ appartenance lucide ]

 
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Ajouté à la BD par miguel