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extension conceptuelle

J’ai l’impression que vous devriez prendre très au sérieux ces doutes et éviter d’élargir trop le domaine "psychique". Lorsque vous dites que "la psyché est en partie de nature matérielle", ces propos ont pour moi, en tant que physicien, la forme d’un énoncé métaphysique. Je préfèrerais dire que la psyché et la matière sont marquées par des principes ordonnants communs neutres et "non constatables en soi". […]

Je tiens cependant à souligner que mon espoir de vous voir rallier ce point de vue général est basé sur l’impression qu’il serait nécessaire de délester votre psychologie analytique. Elle me fait l’effet d’un véhicule fonctionnant avec des soupapes abîmées (la tendance du concept de "psyché" à s’étendre provoque une surpression) ; c’est pourquoi j’ai envie d’enlever des poids et de lâcher de la vapeur.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: Lettre à C. G. Jung du 7 mars 1953

[ conseils ] [ critique ] [ confusion ] [ recentrement ] [ chair-esprit ]

 

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synchronicité

Mais il me semble que le concept "acausal" devrait être davantage précisé dans votre théorie, de même qu’il serait souhaitable d’expliquer plus en détail l’utilisation particulière du concept de temps. Pour le physicien, les mots "causal" et "causalité" ont une signification beaucoup moins figée que le terme de "déterminisme". Le mot "acausal" en particulier a un sens différent chez plusieurs auteurs. D’après votre propre théorie des phénomènes "synchronistiques" […], leur apparition s’explique par la duplicatio ou multiplicatio d’un ordonnateur invisible dont l’apparence est justement double ou multiple. En ce sens, on pourrait également qualifier l’ordonnateur de cause du phénomène synchronistique. Cette cause ne devrait cependant pas être comprise comme située dans le temps et l’espace. Si à l’inverse on ne peut appeler causes que des objets fixés dans le temps et l’espace, les phénomènes synchronistiques sont effectivement "acausaux". De même qu’en microphysique, la situation est caractérisée par l’impossibilité d’utiliser le principe de causalité et de situer en même temps les phénomènes dans le temps et l’espace.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: Lettre à C. G. Jung du 28 juin 1949

[ critique ] [ précision conceptuelle ] [ hyper-complexité ] [ projectionniste(s) ]

 

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rupture épistémique

[…] le lien établi entre les concepts de fréquence et d’énergie était totalement inconnu dans la physique classique et lui aurait semblé irrationnel. (Je me rappelle encore très bien le choc émotionnel qu’ont provoqué en moi cette découverte et ses conséquences alors que j’étais encore étudiant. Il en a été de même pour la plupart des physiciens de ma génération et de la génération antérieure.) La science a eu besoin de pas moins de 27 ans pour élaborer un système conceptuel adapté à cette réalité paradoxale et cependant non contradictoire. Il s’est révélé que la source des contradictions auxquelles on se retrouve confronté quand on établit un lien entre l’énergie et la fréquence sans avoir aucunement recours à des images concrètes réside dans l’hypothèse suivante : l’énergie aurait à chaque instant précis une valeur bien déterminée. En fait, il est visiblement absurde de parler de la valeur d’une période temporelle en liaison avec une durée qui est elle-même inférieure à la période. Plus la durée disponible pour définir une période est longue, plus sa valeur est définie précisément. Une période parfaitement définie correspond au cas limite de sa validité au cours d’un intervalle de temps infiniment long. La découverte de la physique quantique est de monter qu’il en est exactement de même pour l’énergie.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: "Appendice 3 : essai non publié de Pauli" in "Correspondance 1932-1958", trad. Françoise Périgaut, éd. Michel Albin, Paris, 2000, page 267

[ résumé ] [ implications ] [ paradoxe source ]

 

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astronomie

Johannes Kepler (1571-1630) est un exemple particulièrement éloquent pour illustrer cette relation entre les représentations archétypales et les théories scientifiques car on peut voir dans ses idées une sorte d’étape intermédiaire entre la description antérieure de la nature d’ordre magique et symbolique et la perspective postérieure, quantitative et mathématique. […]

C’était un véritable descendant spirituel des pythagoriciens, fasciné par la vieille idée de la musique sphérale, et il cherchait partout des proportions harmonieuses qui étaient pour lui la source de toute la beauté. La géométrie dont les énoncés "existent depuis une éternité dans l’esprit de Dieu" faisait partie à ses yeux des valeurs suprêmes. Il avait pour principe : "Geometria est archetypus pulchritudinis mundi" (La géométrie est l’image originelle de la beauté du monde).

Après avoir décrit brièvement la vie de Kepler, nous nous intéresserons de plus près à la hiérarchie que Kepler établissait entre ses relations archétypales. C’est la divinité chrétienne invisible de la Trinité qui occupe la place la plus haute. L’image la plus belle représentant la forme d’existence propre à Dieu est pour Kepler la sphère tridimensionnelle. Dans ses écrits de jeunesse, il dit déjà : "On trouve dans la sphère le reflet du Dieu de la Trinité, avec au centre le Père, à la surface le Fils et entre le point et la circonférence l’Esprit-Saint." Cela établit un lien entre la Trinité et la tridimensionnalité de l’espace.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: "Appendice 6 : compte-rendu sur les deux conférences tenues le 28.02.48 et 06.03.48 au Club Psychologique de Zurich" in "Correspondance 1932-1958", trad. Françoise Périgaut, éd. Michel Albin, Paris, 2000, pages 295-296

[ résumé ] [ vision du monde ] [ historique ]

 

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impensable

Ainsi, la discussion autour des idées d’ "être" et de "non-être", qui commence avec la philosophie antique, se poursuit aujourd’hui sous une forme moderne. Dans l’Antiquité, "ce qui n’est pas" ne désigne pas seulement ce qui n’existe pas ; cette caractérisation renvoie toujours à une difficulté de la pensée. N’est pas ce à quoi on ne peut penser, ce qui se soustrait à l’entendement pensant, ce qui ne se laisse pas saisir et déterminer à l’aide de concepts. C’est dans ce sens, je crois, qu’il faut comprendre la question antique de l’être et du non-être. En ce sens, ce qui est variable et en devenir, entre autres donc la matière, apparaissait aux yeux d’une certaine psychologie comme quelque chose qui "n’est pas", une simple privatio des Idées. Face à cela, Aristote a posé, esquivant le conflit, le concept central de "ce qui est potentiellement" et l’a appliqué à l’hylé. L’hylé n’est certes pas "actu", elle est une privatio de la forme […], mais elle est "potentia" et n’es pas qu’une simple privatio. Cela marqua le début de différenciations importantes dans la pensée scientifique. Les autres propos d’Aristote au sujet de la matière (il s’en tint totalement à la conception de la matière comme quelque chose de passif et réceptif) ne sont pratiquement d’aucune utilité pour la physique et de nombreuses confusions chez Aristote me semblent venir du fait qu’il était écrasé par Platon, qui lui était largement supérieur en tant que penseur. Il ne parvint pas à mener à bien son projet de définir le possible et ses tentatives restèrent au stade d’ébauches.

Auteur: Pauli Wolfgang

Info: Lettre à C. G. Jung du 27 février 1953

[ historique ]

 

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