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pompette

L’air frais du dehors ne chassa pas mon ivresse. La rue, pleine de monde, était floue comme quand on essaie les lunettes de quelqu’un. Les têtes des gens ressemblaient à des masques. Les phares des automobiles passaient à la hauteur de mon ventre. J’avais du coton dans les oreilles. Les moteurs de taxis avaient un air de ferraille chaude, sans valeur. Le trottoir bougeait sous mes pieds, comme quand on se pèse. On eût dit une rue de rêve, avec des lumières n’importe où.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Mes amis

[ bourré ] [ alcool ] [ vision du monde ] [ description ]

 
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écrivain

Sais-tu qu’à chaque livre nouveau, j’ai l’impression d’approcher un peu plus de ce que je veux faire. Et ce que je veux faire n’est pas du tout ce que tu peux t’imaginer. Pour moi, il faut qu’un roman soit, non pas le récit de quelque aventure ou inquiétude, mais une peinture la plus simple possible de la vie. Un homme qui écrit se croit un petit Dieu. Il doit créer un monde. Et il sera d’autant plus grand que le monde créé par lui sera vaste et vivant.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Correspondance avec son épouse Louise (1928) Extrait de la biographie d’Emmanuel Bove, "La vie comme une ombre", de Raymond Cousse et Jean-Luc Bitton

[ création ] [ défini ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

petit boulot

Sur la place Saint-Michel, un homme, coiffé d’un chapeau melon, donnait des prospectus.

Il m’en tendit plusieurs.

Personne ne s’encombre de ces papiers. Il faudrait sortir la main d’une poche, prendre le prospectus, le froisser, le jeter. Quel travail !

Moi, j’ai pitié de ces distributeurs.

J’accepte toujours ce qu’ils m’offrent. Je sais que ces hommes ne sont libres qu’après avoir distribué plusieurs milliers de morceaux de papier.

Les gens qui passent dédaigneusement devant ces mains qui donnent au lieu de recevoir, m’irritent.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Mes amis

[ rejet ]

 
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relations humaines

S’il arrive que ces gens qui m’ennuient, que je trouve ridicules pour une raison ou une autre, sont obligés de me laisser plus tôt que je ne l’avais prévu, je souffre profondément. J’essaie alors, par tous les moyens, de les suivre, au risque de passer pour indiscret. Je leur propose de les accompagner, de les attendre. Je leur demande si réellement je suis de trop. Et quand, sous le prétexte de ne pas m’obliger à une corvée, ils se débarrassent de moi, il m’arrive, devant le fait accompli, de pousser un cri de joie.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, page 34

[ paradoxe ] [ déchirement ] [ tiraillement ] [ solitude ] [ libération ]

 

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tristesse

Assis sur le lit, je regardai mon habit neuf, qui n’avait plus de raison d’être, et le désordre de ma chambre dans l’air frais du matin.

J’avais un mal de tête violent. Je songeai à ma vie triste, sans amis, sans argent. Je ne demandais qu’à aimer, qu’à être comme tout le monde. Ce n’était pourtant pas grand’chose.

Puis, subitement, j’éclatai en sanglots.

Bientôt, je m’aperçus que je me forçais à pleurer.

Je me levai. Les larmes séchèrent sur mes joues.

J’eus la sensation désagréable qu’on éprouve quand on s’est lavé la figure et qu’on ne se l’est pas essuyée.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Mes amis

[ division subjective ] [ intériorisation du regard extérieur ]

 
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relations humaines

"J’aime quelqu’un", m’a-t-elle dit. Je ne sais pourquoi ces mots quelconques ont subitement fait naître en moi une grande pitié pour elle. Je ne sais pourquoi cette façon de m’annoncer une nouvelle aussi importante m’a montré une Madeleine sans défense. J’ai eu le pressentiment qu’elle allait être dominée, qu’elle allait souffrir encore davantage, parce que je ne serais plus là pour la comprendre. Ce dernier mot me dévoile tout à coup une vérité à laquelle je n’avais pas encore songé. La compréhension la plus profonde, la compréhension qui aujourd’hui m’était apparue comme la base de tout amour, est inutile. Il ne sert à rien de comprendre ses semblables. La compréhension profonde n’ajoute rien à l’amour. Oui, la lassitude qui pèse sur moi est quelque chose d’effrayant. J’ai passé la quarantaine, et me voilà comme au début de l’existence.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, page 191

[ altérité radicale ] [ stagnation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

tristesse

Je ne suis pas neurasthénique, ni sentimental. Je ne suis rien de particulier. D’où vient alors que je ressemble à ce point à une épave ? Si on était entré en coup de vent au moment où je pleurais, je me serais dressé comme si rien n’était et j’eusse fait ce qu’on m’aurait proposé avec la gaieté nécessaire, comme si jamais je n’avais souffert. Ce n’est pourtant pas de la comédie tout cela. Je ne me trompe pas. Je pleure. Je souffre et je ne peux rien contre moi-même, et je vis comme tout le monde. Je suis incapable d’envisager une autre existence. C’est surtout cela qui m’étonne, de pleurer ainsi et tout de suite après de ressembler au premier venu. J’ai les occupations de tout le monde, je vais au théâtre, je suis gai, et au fond de moi-même, il y a toujours quelque chose qui n’est pas heureux, quelque chose d’insatisfait.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, page 43

[ apparences ] [ masque ] [ division subjective ] [ simultanéité ]

 

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nudité

Elle me présenta les agrandissements photographiques ornant les murs, puis elle s’assit sur le lit. Je la rejoignis.

— Comment trouvez-vous ma chambre ?

— Très bien.

Subitement, comme pour l’empêcher de tomber, je l’étreignis. Elle ne se défendit pas. Encouragé par cette attitude, je l’embrassai mille fois, tout en la déshabillant d’une main. J’aurais voulu, à l’instar des grands amoureux, arracher les boutonnières, déchirer son linge, mais la crainte qu’elle me fît une observation me retint.

Bientôt, elle se trouva en corset. Les buscs en étaient tordus. Un lacet liait son dos. Les seins se touchaient.

Je dégrafai ce corset en tremblant. La chemise adhéra un instant à la taille, puis tomba.

Je l’ôtai avec difficulté, car le col étroit ne passait pas aux épaules. Je ne lui laissai que les bas, parce qu’à mon avis c’est plus joli. D’ailleurs, sur les journaux, les femmes déshabillées ont toutes des bas.

Enfin, elle apparut nue. Ses cuisses débordaient au-dessus des jarretières. La colonne vertébrale bosselait la peau, aux reins. Elle était vaccinée sur les bras.

Je perdis la tête. Des frissons, semblables à ceux qui secouent les jambes des chevaux, me coururent le long du corps.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Mes amis

[ déshabillage ] [ femme-par-homme ]

 

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lupanar

Les femmes apparurent enfin. Je les comptai. Elles étaient au nombre de sept.

Leurs robes courtes exhalaient cette odeur de vice et de misère qu’exhalent les toilettes pailletées qui affublent les monstres de cire exposés dans les musées forains.

Elles avaient un teint pâle et luisant de poupée de carton glacé. Des bagues, en ligne sur les doigts, brillaient.

Quand l’une de ces filles galantes était seule ses jambes semblaient bien faites, mais dès qu’elle se mêlait à ses compagnes, leurs défauts sautaient aux yeux, sans que je pusse m’en expliquer la raison.

Une femme vint s’asseoir près de nous et rebondit en riant sur la banquette. Elle avait des dents jaunes qui, à cause de la blancheur du visage, paraissaient plus jaunes encore. Les yeux étaient rayés comme un vieux cadran. Le parfum qu’elle dégageait sentait plus fort quand elle bougeait.

Neveu la regardait avec admiration. Il était complètement changé. Il parlait, il riait et ne se préoccupait plus de moi.

Soudain cette femme se leva, et, prenant le marinier par le bras, elle l’entraîna.

Je restai seul. Sur la table, il y avait trois verres et deux bouteilles.

Je payai tout et je sortis, l’âme pleine d’amertume.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Mes amis

[ bordel ] [ solitude ] [ femmes-par-homme ] [ prostituées ] [ comparées ]

 
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combler le vide

Comme je venais de me plonger de nouveau dans la lecture des journaux, Madeleine se leva et sortit. Je restai un long moment à lire, puis j’entendis la porte d’entrée se refermer. Cette fois, Madeleine était vraiment partie. Afin qu’il n’y eût aucun doute, je me rendis dans notre chambre. En effet, elle était sortie. Je dois dire que, contre mon attente, son absence me laissa indifférent. Pas une seconde il ne me vint à l’esprit de me fâcher. Je trouvais maintenant tout à fait naturel que Madeleine fût sortie, sans même me dire au revoir. Je me rendis dans mon bureau où je restai jusqu’à quatre heures. Je me fis ensuite servir à goûter, puis, ne sachant que faire, je me décidai à aller voir un ami. Mais, devant sa maison, je fis demi-tour. Ce genre de mésaventure m’arrive souvent. La vérité est que j’ai besoin d’un but pour vivre, qu’il me faut des étapes dans ma journée. Je projette alors de bonne foi de faire une visite, je sors comme si j’allais chez quelqu’un. En cours de route, je prépare même ce que je vais dire. Mais, une fois arrivé, j’abandonne mon projet. L’essentiel est pour moi non que je l’exécute, mais qu’il m’occupe, comme si j’allais l’exécuter. Je revins donc sur mes pas.

Auteur: Bove Emmanuel Bobovnikoff Dugast Vallois

Info: Journal écrit en hiver, Flammarion, 1983, page 131

[ occupation ] [ solitude ]

 

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