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mourir

... cette inquiétude subliminale qui affleurait chez lui quand il volait, ce souvenir qu'il était à dix mille mètres d'altitude - dix kilomètres -, glissant à une vitesse de neuf cents ou mille kilomètres à l'heure, et que, dehors, la température était de moins cinquante ou soixante degrés. Ce n'était pas exactement de la peur qu'il éprouvait en vol, mais quelque chose de plus intense, la certitude que ce serait à tout moment la fin, la désintégration de son corps en un fragment de seconde, et, peut-être, la révélation du grand mystère, savoir ce qu'il y avait au-delà de la mort, si tant est qu'il y eût quelque chose.

Auteur: Vargas Llosa Mario

Info: Le héros discret, p. 475

[ avion ] [ réponse ] [ au-delà ]

 

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se soulager

Don Rigoberto plissa les yeux et poussa, faiblement. Il n’en fallait pas plus : il sentit sur-le-champ le bienfaisant chatouillis au rectum et la sensation que, là-dedans, dans les cavités du bas-ventre, quelque chose s’apprêtait humblement à partir et se dirigeait déjà vers cette porte de sortie qui, pour lui faciliter le passage, s’élargissait. […]
Don Rigoberto sourit, content : "Chier, déféquer, excréter, sont-ce des synonymes de jouir ?" pensa-t-il. Oui, pourquoi pas ? A condition de le faire lentement et en se concentrant, en dégustant la chose, sans la moindre hâte, en s’attardant, en imprimant aux muscles de l’intestin un doux ébranlement, soutenu. Il ne fallait pas pousser mais guider, accompagner, escorter gracieusement le glissement des oboles vers la porte de sortie.

Auteur: Vargas Llosa Mario

Info: Éloge de la marâtre

[ caquer ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

éloge

Immédiatement après Flaubert, je mettrais Victor Hugo, non pas pour sa poésie qui nous paraît maintenant quelque peu rhétorique, mais pour Les Misérables, un roman que j’ai lu adolescent et que j’ai relu en partie plusieurs fois. Et qui a fait de Jean Valjean un compagnon inoubliable, toujours là pour me permettre de supporter le poids de l’infatigable Javert, ce policier obsédé dont il épargne la vie et qu’il sauve, en sortant des tunnels de Paris, entre la boue et la putréfaction ; dans une scène qui constitue une des prouesses les plus hardies du roman qui a converti bien des jeunes (d’alors) comme celui qui vous parle, à la vocation de romancier. Javert meurt, bien sûr, et la mort qu’il s’inflige à lui-même signe son fiasco retentissant, quand il découvre, chez celui qu’il prenait pour son ennemi mortel et un véritable fléau pour la société, un modèle de compréhension et d’harmonie à quoi il n’était pas préparé. Le romantisme qui entoure cette scène ne l’accable ni ne la falsifie ; elle reste là, debout, comme un idéal de justice qui nous convainc et nous stimule.

Auteur: Vargas Llosa Mario

Info: Discours d'entrée à l’Académie française,  9 février 2023 (p. 14)

[ écrivain-par-écrivain ] [ humanisme ] [ personnage central ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

livres

La littérature reste le seul moyen opérant pour maîtriser le langage. Et le langage, c’est ce qui est fondamental. Pas seulement pour vous permettre de vous exprimer d’une manière intelligente, nuancée, avec toutes les précisions que vous jugez nécessaires. Le langage, c’est ce qui permet à votre pensée de s’organiser. Le langage, c’est ce qui déploie et structure votre imagination, régit votre sensibilité, vos émotions, vos passions. Et cette richesse, vous ne pouvez pas l’acquérir en regardant la télévision ou en voyant des films : c’est le roman, la poésie, les grands essais qui vous la donnent.

Lire, c’est protester contre les insuffisances de la vie. Lire, c’est se mettre en état d’alerte permanent contre toute forme d’oppression, de tyrannie, c’est se blinder contre la manipulation de ceux qui veulent nous faire croire que vivre entre des barreaux, c’est vivre en sécurité. La littérature vous fait désirer une autre vie, que la vie réelle ne peut pas vous donner, et forge donc des esprits critiques, épris d’idéal, tandis que l’extraordinaire machinerie audiovisuelle est là pour nous amuser et créer des sujets passifs et conformistes. Un monde sans littérature serait un monde sans insolence. Un monde d’automates.


Auteur: Vargas Llosa Mario

Info:

[ ouverture ] [ imagination ]

 

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Ajouté à la BD par miguel