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trouble psychologique

Les termes "autisme" ou "ipséisme", d’un emploi plus ancien, ne rendent absolument pas compte du trouble qu’ils désignent, et ont conduit de ce fait à de profondes confusions. En effet, les mots "ipséisme", du latin ipse, soi-même et "autisme" du grec αυτο, de même signification, laisseraient entendre que les personnes affectées de ce trouble se renfermeraient en elles-mêmes en s’absentant du réel. Cela est totalement impropre, en raison de ce que nous avons vu plus haut : ce qui n’est pas ou que très fragmentairement constitué ne peut par définition se refermer en soi-même, puisqu’il n’y a pas de "soi". Le problème de l’autisme est une absence ou une lacune de la constitution subjectale : comme nous venons de le dire, il n’y a pas de "soi-même" autoréférentiel, comme ces termes sembleraient vouloir nous le laisser imaginer. Au contraire, le sujet appelé à se constituer est noyé dans l’en-soi*, d’où il peine à s’extraire. Bien que je ne me fasse aucune illusion à ce sujet, il conviendrait cependant de requalifier l’autisme soit en pniguéisme, du grec να πνιγεί, se noyer, soit de manière plus euphonique en baltosisme, du grec βάλτος, le marais dans lequel on s'embourbe. Le mérite serait là de nommer correctement ce dont il s’agit, ce qui n’est pas un détail, il s’en faut de beaucoup. Or, on ne peut penser correctement qu’avec des désignations correctes.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 42. *Mode d'être de ce qui est sans conscience (et ne peut se modifier volontairement) opposé à pour-soi.

[ renomination ] [ étymologie ] [ imprécision ] [ imprécision terminologique ]

 
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philosophe

Nietzsche s’est attaqué aux dérives moralisatrices et prescriptives sociales et religieuses et à la dégradation de la pleine vitalité de la pensée en "valeurs" normatives devenues oppressives [...]. Le problème du placement de sa philosophie au sein de notre schéma est dû au fait qu’il a semble-t-il pris pour argent comptant ce dévoiement formaliste et institutionnel aliénant de propositions religieuses, métaphysiques ou philosophiques initialement tournées vers l’émancipation du sujet et l’établissement de sa souveraineté en systèmes encadrants oppressifs. Son concept de "Wille zur Macht", traduit de manière insatisfaisante par "volonté de puissance" implique l’idée d’un devenir exprimé par la préposition agglutinante "zur" qui connote l’idée d’une directionnalité : volonté vers la puissance, c’est-à-dire vers un accroissement de l’être et de son autonomie qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux propositions émancipatrices dont nous avons parlé – à ceci près que ces dernières intègrent organiquement la dimension et la présence de l’autre, indissociables de la complétude du sujet : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Proposition irrecevable par Nietzsche, tant elle n’est devenue que le masque mortifère de l’hypocrisie sociale particulière au XIXème siècle incarnée par l’Eglise et sa "moraline". L’intersubjectivité falsifiée, formelle et oppressive de cadres sociaux normatifs où la relation à l’autre s’assèche en conventions formalistes le conduit ainsi à rester dans l’entre-deux d’une philosophie de la solitude, face à une altérité devenue menaçante car vidée de sa substance vitale.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 56

[ synthèse ] [ limites ] [ contextualisation ] [ critique ] [ surhomme ]

 
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modélisation scientifique

Ainsi le grand développement technologique du tout début du XVIIe siècle a autorisé la construction d'horloges et de mécanismes de plus en plus précis et complexes - comme la Pascaline de Blaise Pascal, par exemple, sorte de précurseur archéologique très rudimentaire d'une machine de Turing. De là à rendre compte du vivant à partir d'un modèle basé sur le fonctionnement des d'automates, il n'y a qu'un pas que Descartes et ses contemporains avec lui ont franchi sans vergogne. On assiste là à un cas d'inversion causale particulièrement remarquable, connue depuis les Grecs sous le nom d'hysteron proteron, ou, dans un vocabulaire actualisé, d'hystérologie. Cette inversion consiste à faire précéder une cause de son ou de ses effets, faute logique grossière et élémentaire. Le modèle animal a inspiré des reconstructions mimétiques - incroyablement grossières, faut-il le souligner? - nommées automates, qui sont à leur tour dans un deuxième temps utilisées avec la prétention d'en faire des modèles explicatifs du réel, crédité dès lors d'être la représentation de ses représentations dans un double mouvement inversif. Tant que le discours épistémologique accompagnant un tel processus de pensée reste dans une perspective suffisamment humble, c'est-à-dire simplement réaliste, ne perdant jamais de vue que la science appartient irrémédiablement à un ordre représentatif à jamais exilé de l'en-soi du monde, tout va bien, et ces approximations représentatives restent tolérables malgré leur abyssal réductionnisme explicatif. Le problème devient inquiétant quand l'ivresse de toute-puissance d'une raison dégradée en rationalisme prétend plaquer sur le réel ses propres productions représentatives, qui finissent immanquablement par prétendre se substituer à lui.

Auteur: Farago Pierre

Info: Au sujet du fantasme relatif à la possibilité d’une prétendue intelligence artificielle

[ référent immanent ] [ imaginaire ]

 
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énoncé-énonciation

[...] le langage n'est pas extrinsèque à la conscience, il en est la manifestation tangible. Lorsqu'une prétendue " intelligence artificielle " produit du texte, écrit ou synthétisé vocalement, elle ne lui donne aucun sens, car il n'y a justement pas de "elle", c'est-à-dire pas de sujet conscient à l'oeuvre: il s'agit uniquement d'un brassage procédural de données innombrables découpées en segments de quatre signes appelés "token", segments traités statistiquement sans considération pour la cohérence et la signification des mots, cisaillés sans aucune considération pour leur unité sémantique, et d'où tout sens est exclu. Cela induit d'ailleurs des aberrations nombreuses qui impliquent généralement l'intervention d'une sous-section souvent passée sous silence de l'"intelligence artificielle" nommée le "Turc mécanique". Le "Turc mécanique" fait référence à un automate joueur d'échec construit en 1769 par le Baron Johann Wolfgang von Kempelen, doté d'un mécanisme interne destiné à faire illusion et à dissimuler un logement prévu pour accueillir un être humain de petite taille qui œuvrait comme un véritable marionnettiste pour déplacer les pièces du jeu d'échec. La sous-section de l'"intelligence artificielle" ainsi dénommée est constituée d'êtres humains bien réels vivant généralement dans des pays du tiers-monde, chargés, moyennant une rétribution misérable dispensée au prorata des items produits, de vérifier la pertinence des solutions aveuglément proposées par des algorithmes forcément faillibles car dépourvus de facultés délibératives, seul apanage d'une véritable conscience*.



[*: Un scandale vient d’éclater au sujet des magasins “Amazon Fresh” et “Amazon Go”, qui promettaient des achats sans caisse grâce à l’IA. Le dispositif, disfonctionnel, ne tenait en réalité que de l’emploi d’un millier de personnes sous payées en Inde, qui reprenaient confidentiellement et en sous main toutes les déficiences de l’algorithme. https://www.futurasciences.com/tech/questions-reponses/intelligence-artificielle-insolite-puissant-outil-ia-amazon-etait-fait1-000-indiensderriere-ecran-20884/]

Auteur: Farago Pierre

Info: Au sujet du fantasme relatif à la possibilité d’une prétendue intelligence artificielle

[ exploitation humaine ] [ trucage ] [ critique ]

 
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autisme d'asperger

Sur la question du regard : j’ai noté dans mes interactions pédagogiques avec Raphaël que lorsque je sollicite le sujet en lui, ce qui constitue le socle fondamental de ma pédagogie, il réagit, faiblement mais réellement et me regarde en me répondant. Son regard alors est lointain et fragile, peu assuré et perdu, mais bien présent. Lors d’épisodes de crise durant lesquels il se met subitement à émettre des écholalies, voire crie ou se frappe violemment, il se détourne de moi, vers la droite quand je suis à sa gauche ; je me déplace alors pour revenir lui faire face, et il se détourne du côté opposé. Lorsque je fais mine alors de jouer sur l’instrument durant ces épisodes pour lui donner l’exemple et le ramener au tiers-point indispensable de notre relation constitué par la discipline que je lui enseigne, il saisit ma main pour m’empêcher de jouer, comme s’il me disait de l’attendre durant ces moments où il est comme "capturé" par cette instance aliénante qui l’empêche d’être là. Je cherche alors par tous les moyens à capter son regard en me positionnant face à lui et en lui parlant doucement, et à des reprises chaque semaine plus nombreuses je parviens à le rapatrier dans l’échange intersubjectif. L’échange pédagogique que j’ai avec lui devient alors pratiquement normal et semblable à celui que j’ai avec mes autres élèves. Il m’a même formulé lors d’une de nos dernières séances la demande suivante, en me regardant dans les yeux de son propre chef, et de manière focalisée : "Je voudrais entendre un morceau". C’était la toute première phrase entière que j’entendais dans sa bouche depuis que je le connais, commencée avec le pronom personnel de la première personne du sujet.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 39

[ musique ] [ observations ] [ progression ]

 

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traumatisme transgénérationnel

Lors de cette expérience*, des souris venant de mettre bas ont été aléatoirement séparées de leur progéniture chaque jour durant trois heures consécutives au cours desquelles elles étaient soumises à diverses maltraitances. Elles étaient ensuite rendues à leurs souriceaux jusqu’au lendemain, où le protocole reprenait, mais à un horaire imprévisible et chaque jour différent. Il a été constaté chez les souriceaux des mères ainsi traumatisées une profonde modification des comportements sociaux se manifestant par des altérations des fonctions cognitives impliquant la mémoire, une inaptitude manifeste aux interactions avec leurs congénères et une tendance dépressive marquée, repérable par une perte de vitalité et de réactivité face à des situations de stress provoquées. Les mâles de ce premier groupe d’individus ont été ensuite mis en contact avec un groupe de femelles élevées dans des conditions normales non traumatiques, avec lesquelles ils ont engendré une deuxième génération, élevée elle aussi normalement, à distance des géniteurs traumatisés. Or les mêmes troubles comportementaux ont été observés, non seulement chez les individus de la deuxième génération, mais également jusqu’à la troisième génération au moins. Isabelle Mansuy et son équipe ont mis en évidence au sein des cellules cérébrales des souris soumises au protocole expérimental des altérations épigénétiques induites par le stress traumatique subi qui se retrouvaient également dans les cellules germinales (l’étude a porté uniquement sur des spermatozoïdes pour des raisons d’ordre pratique). Ils ont établi que l’exposition à un environnement traumatisant conduit à une modification de la méthylation de l’ADN, à une perturbation de la structure des protéines histones et à la prolifération de fragments d’ARN non codant dans de nombreuses cellules du cerveau, trois facteurs qui auraient pour conséquence de modifier l’expression et l’activité de certains gènes. Leur étude a établi que si ces gènes sont impliqués dans le contrôle du comportement, par exemple dans le contrôle des émotions, la présence de ces facteurs inhibants provoquerait une perturbation de ces émotions.Il est fondamental de considérer ici que la cause des perturbations comportementales observées s’accompagnant d’une signature épigénétique incontestable est une expérience existentielle vécue et qu’il n’y a pas à proprement parler d’inversion de la chaîne causale mais de prolongement de sa destructivité aux générations suivantes

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, pages 46-47, * expérience menée ces dernières années par Isabelle Mansuy, neurogénéticienne et son équipe de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich

[ expérimentation scientifique ]

 

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troubles psychologiques

Nous avons vu que dans le cas de l’autisme l’invasion par le champ maternel se fait par défaut de consistance du champ paternel, mécaniquement en quelque sorte. Le garçon se noie dans cette emprise fusionnelle. Dans le cas de l’anorexie, l’emprise maternelle est sous le mode actif de l’abus, par confiscation symbolique phallique. L’envahissement maternel dans les deux ordres respectivement féminin et masculin de l’inscription corporelle et de l’institution symbolique occulte le vis-à-vis paternel qui seul permet, par le modèle référentiel de possibilité de placement relationnel correct qu’il représente, l’indispensable et vital établissement de la jeune fille dans sa féminité. N’ayant à proprement parler plus de "place", elle s’efface dans l’ordre spécifique – constituant - de sa présence au monde : l’ordre corporel, non sans avoir préalablement tenté de lutter sur le terrain symbolique du père usurpé par la mère, terrain dont le lieu spécifique structurel est le langage et l’intellection (i.e. l’ordre re-présentatif) : la quasi-totalité des jeunes filles concernées par l’anorexie présentent un profil intellectuel brillant. Cette contre-rotation effectuée dans un premier temps précédent les troubles alimentaires est extrêmement destructive et conduit de fait la jeune fille à s’établir dans une schize intime qui vient disjoindre son unité corps-esprit. C’est dans ce sens qu'on pourrait éventuellement ranger l'anorexie mentale du côté des psychoses, à ceci près qu'il ne s'agit pas d'une disjonction psychique mais que le point de fracturation du sujet s'établit à la jonction corps-esprit. L’anorexie serait donc un trouble réactionnel de l'identification face à une mère abusive, où là encore l'évanescence du père serait en cause. Ce qui en ferait ainsi le pendant structurel féminin de l'autisme. Alors que l’autisme est un trouble de l’établissement de l’être au monde spécifiquement masculin - sa destructivité s’exprime au niveau de l’institution du sujet masculin tout juste avant la cristallisation subjectale, donc typiquement au moment de l’apprentissage du langage, vers deux ans, par un défaut d’émergence, ou au pire une régression -, l’anorexie est un trouble de l’établissement de l’être au monde spécifiquement féminin : sa destructivité s’exprime au niveau de la constitution du sujet féminin dans sa complétude corporelle – il est donc logique que ce trouble trouve une expression post pubertaire. En résumant, l’autisme s’attaque à l’ordre de l’institution (du sujet), l’anorexie s’attaque à l’ordre de la constitution (corporelle).

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 50

[ sexuation ] [ parallélisme ] [ origines ]

 
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trouble psychologique

A quoi bon se réveiller si personne ne vous attend ? Est-il besoin de donner davantage de commentaires? Notre occident vidé de ses croyances, entouré de ses charniers et des cendres de son passé, essaye d’occulter son désastre en plongeant tête baissée vers le vide et l’oubli. Ecrans, consommation, vide et médiocrité intellectuelle, spirituelle et morale : je m’arrête dans cette grise litanie. Paraphrasant Philippe Muray, je dirais qu’il suffit de mettre le monde entre guillemets pour qu’il nous apparaisse tel qu’en lui-même : porteur de bien peu de promesses et d’attente. L’autisme occidental est ainsi le signe d’une profonde déception ontologique doublée d’un brouillage symbolique dû à la perversion de marqueurs symboliques vitaux devenus illisibles notamment après leurs détournement par les régimes autocratiques et dictatoriaux responsables de meurtres de masse qui ont émaillé l’histoire du XXème siècle, toujours associés à un culte de la personnalité de figures paternelles dévoyées. Il en va de même de pays ayant dû faire face à des situations de guerre et de massacres prolongées, comme par exemple le Liban : je suis ainsi prêt à faire le postulat d’une corrélation entre le taux d’autisme relevé dans un pays et son histoire géopolitique et stratégique plus ou moins récente. On m’objectera que l’humanité est en guerre depuis les tout premiers moments de son émergence, sans que cela se soit jamais traduit par une explosion du taux de prévalence de l’autisme comparable à celle que nous observons actuellement. Certes, mais la grande nouveauté consiste présentement dans l’affaiblissement voire l’absence radicale au sein des sociétés contemporaines des marqueurs symboliques fondamentaux qui autrefois constituaient l’horizon structurant de toute société humaine, et qui offraient un cadre signifiant protecteur. En un raccourci efficace et frappant, on pourrait dégager un lien dynamique entre l’affirmation nietzschéenne "Gott ist tod", ou plus exactement le contexte sociétal et civilisationnel qui a rendu possible sa formulation, et de nombreux désordres symboliques contemporains observés, parmi lesquels l’autisme prend sa place.

Tout ceci n’est cependant dû qu’à une grave erreur de perspective, que les autistes précisément viennent nous forcer à reconsidérer, en nous invitant à tourner la page de l’efficacité destructive et binaire portée par la modernité depuis trois cent quatre-vingts ans exactement - soit depuis la publication du Discours de la Méthode - et les diverses monstruosités qu’elle a fini par engendrer, pour recentrer notre humanité dans ce qui la fonde substantiellement : une intersubjectivité refondée.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 44

[ signifiant maître dénié ] [ perversion ] [ sécularisation ] [ conséquences néfastes ]

 

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subjectivation

"La chair est triste, hélas, et j'ai lu tous les livres" dira plus tard le poète... Quelle complétude particulière pouvait offrir l'ère christique pré-médiévale et médiévale, que son dépassement par la rationalité et la technè moderne ne pourra jamais combler ? Qu'est-ce qui a été manqué dans ce "dépassement"? Tout simplement la dimension de l'autre, seule apte à garantir correctement l'institution du sujet, dans une circularité relationnelle vivante et vascularisée. Alors que le sujet est face à l'autre (à l'Autre), l'individu (moderne) est face au monde. Ce qui se perd au passage est l'intersubjectivité et sa fonction nutritive et vitalisante. Car le problème est que le monde est aussi silencieux que l'épais silence qui envahit tout entière la gravure de Dürer, où seul le crissement bavard du stylet du putto sur sa tablette s'inscrit en creux. La maladie de la modernité, poussée à son paroxysme par la période contemporaine, est entièrement résumée ici. L'homme, de fait, ne dialogue pas avec le monde: le monde est muet et ne répond pas, si ce n'est par les soubresauts d'efficacité auxquels la technoscience le contraint dans sa brutalité. Pour qu'il y ait dialogue, il faut que le logos réponde au logos, et que le sujet fasse face à un autre lui-même. Car le sujet ne peut se comprendre que dans la plénitude de l'histoire de son inscription au sein du monde, et non comme une chimère hors sol, pure catégorie fonctionnelle et logique, comme l'ont voulu les linguistes depuis Saussure. Le sujet s'institue dans les conditions intersubjectives de son avènement au monde, conditions d'extrême dénuement et de fragilité absolue, qui le livrent sans recours possible à ceux qui l'ont à charge: sa mère, éminemment, puis son père, qui seuls peuvent lui éviter la mort corporelle, affective et psychique par les nourritures terrestre, affective, et spirituelle qu'ils lui dispenseront. Le sujet, c'est cela: une immense fragilité qui ne tient que par la relation - il serait d'ailleurs plus approprié d'écrire "les sujets", tant il est vrai qu'un sujet seul ne peut se concevoir en vertu de ce que je viens d'exposer. Or le sujet parvenu à sa pleine institution donne le sentiment d'une monade autonome et fermée, essentialisable jusque dans les catégories formelles de la linguistique - "est je qui dit je", comme disait de si tautologique et désespérante manière Ferdinand de Saussure, que nous avons cité en ouverture de cet ouvrage. La modernité est ici prise en flagrant délit de solipsisme, faute logique - et ontologique - s'il en est.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme

[ dépendance ] [ illusion d'autocréation ] [ erreur moderne ] [ isolement ]

 
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philosophie

Les trois principes de la logique aristotélicienne, qui fondent l'édifice de la raison, sont l'expression formalisée de cette récusation de toute confusion incestuelle qui a formé une part fondamentale du propos central de la civilisation hellénistique: le premier d'entre eux, le principe d'identité, vise à établir ce que j'appelle le "corsetage distinctif des étants", à partir de ce saut majeur vers l'humanisation que constitue le stade du sein, cette véritable dé-fusion qui cristallise la naissance d'un sujet distinctif ne se confondant désormais plus avec les bras qui le portent ou le sein qui le nourrit, reconnus comme attestation d'une altérité dorénavant irréductible. De proche en proche, par le jeu des inférences et des extrapolations, cette faculté acquise d'appréhension distinctive du monde s'étendra à tous les étants qui le peuplent. Le principe de non-contradiction, qui forme le deuxième des trois grands principes de la logique aristotélicienne, a pour objet de garantir la cohérence des propriétés intrinsèques et relationnelles propres d'un objet quel qu'il soit. Sa matrice initiale en est également la récusation de la confusion incestuelle: les conflits logiques inter et intra générationnels qui résulteraient du franchissement d'un tel interdit sont insolubles pour la raison et ouvrent une béance vers les gouffres de la psychose. Le mythe d'Œdipe notamment l'atteste de manière indubitable: sous peine d'être aveuglé, supplice qu'Œdipe s'inflige au terme de ses transgressions, c'est-à-dire d'être privé de lumière au sens littéral autant que métaphorique dans l'ordre de la raison, un fils ne peut épouser sa mère, qui sinon deviendrait à la fois la mère de ses enfants, mais en serait également la grand-mère, lui-même devenant leur père mais également leur frère et leur grand-père, en sa qualité de conjoint de celle qui, sous un certain angle, est leur grand-mère. On le voit, la folie n'est pas loin, sœur d'une telle confusion. Le troisième pilier de la logique classique, le principe du tiers exclu, forme le gardien de cette porte ouvrant sur la folie, interdisant la tentation de l'édification d'univers alternatifs où, entre l'existence et l'inexistence d'un étant, pourrait se trouver un état intermédiaire permettant illusoirement de laisser une place à l'impensable - il convient cela dit de préciser incidemment que l'application au domaine de l'être de ce principe du tiers exclu, selon laquelle il n'y aurait pas de gradations dans l'être semble n'être pas soutenable dès lors qu'elle est appliquée au domaine du vivant, tant il y a bien dans l'ordre de l'inscription des êtres vivants au sein du monde différentes gradations d'être, depuis l'organisme mono cellulaire jusqu'à l'être humain en passant par les multiples modalités plus ou moins évoluées de présence au monde que l'on trouve dans le règne animal.

Auteur: Farago Pierre

Info: Au sujet du diable

[ inceste ] [ traduction psychanalytique ] [ castration ]

 
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