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écrivain-sur-écrivain

Cependant le principal mérite de Houellebecq n'est pas là. Si on le lit avec entrain, c'est qu'on est convaincu presque d'emblée qu'on n'a pas affaire, pour une fois, à la pistrouille idéologique coutumière. Voilà quelqu'un qui (...) en tous cas ne se plie pas à ces exigences de la bien-pensance qui rendent illisibles la plupart des livres qui paraissent aujourd'hui, surtout les romans. On a enfin l'impression avec lui, de quelqu'un qui parle du monde comme il est, sans soumettre son regard, préalablement, aux exigences de la religion d'état médiatique. Il ne croit rien de ce qu'il faut croire pour avoir la paix, il ne dit rien de ce qu'il faut dire pour être aimé - ce que nonobstant il vend trois cent mille exemplaires de ses ouvrages et il est adulé par la critique : on peut dire qu'il est plus doué que moi !


Auteur: Camus Renaud

Info: Sommeil de personne : journal 2001, p. 439

[ libre ] [ séditieux ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

écrivain-sur-écrivain

Je ne comprends pas les gens qui trouvent que Michel Houellebecq n’a pas de style. Faut-il qu’ils manquent d’oreille ! Houellebecq a le style imperturbable, c’est bien différent — le style Buster Keaton, deadpan, pince-sans-rire, tongue-in-cheek. En fait c’est un des tons les plus difficiles à trouver et surtout à garder, à tenir sur la distance. Lui s’acquitte de cet exercice de haute voltige avec une virtuosité sans égale, qui forcément se doit de rester discrète, comme tout le reste : il y a là une contradiction dans les termes, cette maestria pataude, qui fait toute la tension de la phrase et de la page, page après page (je suis en train de lire Sérotonine). Un autre avantage, c’est un effet comique permanent. On connaissait l’Apocalypse en riant, voici la dépression planétaire à se tordre : plus c’est triste, plus c’est drôle ; plus c’est désespéré et désespérant, plus on s’amuse.

Auteur: Camus Renaud

Info:

[ éloge ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

Septembre a déjà commencé ; le septembre de la lumière, pas celui des agendas. Hier et cette nuit il a plu, ce matin le ciel était un autre ciel, l'air un autre air, vivre une autre affaire, - et tout cela un tranquille tour de force de la transparence. On n'en croyait pas ses fenêtres, au réveil. Toute la campagne s'était introduite en silence dans la bibliothèque et elle s'étendait là, entre les livres, visible comme il n'y a que septembre pour rendre visibles les choses, touchable, offerte, intime sans la moindre familiarité, énorme et recueillie. Toute la journée nous l'avons bue, sans sortir jusqu'au soir, quand j'ai marché jusqu'à la rivière, tout à fait dans la confidence aussi. À présent la nuit n'est pas encore assise et pourtant, entre chaque phrase, je fais cinq pas pour regarder de l'embrasure un quart de lune de chanson s'amuser de ce grand pays qui s'offre à l'ombre comme on cède à l'amour.

Auteur: Camus Renaud

Info: L'Isolation : Journal 2006 Mercredi 30 août 2006, neuf heures du soir, pp 349-350

[ été ]

 

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manque de temps

Et je ne regrette pas d’avoir proposé ailleurs, comme une des définitions possibles de la culture, "la claire conscience de la préciosité du temps". L’homme cultivé n’a jamais trop de temps, il n’en a même jamais assez pour tout ce qu’il y a lire, à voir, à entendre, à connaître, à apprendre, à comprendre et à aimer. L’intelligible, par son énormité, est incommensurable à son intelligence. L’existant, par son immensité, est sans rapport de proportions avec sa soif de connaissance et les possibilités de sa mémoire. L’aimable, par son infinitude, outrepasse de toute part son amour. À tout moment il doit faire des choix, c’est-à-dire renoncer à des chemins, à des livres, à des études et à des distractions. Et ce qu’il est, autant que par ce qu’il lit, par ce qu’il entend et par ce qu’il étudie, il l’est par ce qu’il ne lit pas, ce qu’il ne fréquente pas, ce à quoi il refuse de perdre son temps, ce temps que la culture rend précieux. 

Auteur: Camus Renaud

Info: La grande déculturation, éditions Fayard, 2008

[ . ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vélo

Le cyclisme, en tant que sport de compétition, a toujours été laid, et tout spécialement le Tour de France, qui depuis toujours, mais aujourd'hui plus que jamais, déverse le long des routes qu'il sillonne ses traînées de détritus, de gobelets et de pare-soleils publicitaires, de musiquette, de gueulantes et de criailleries, souillant souvent pour des semaines les plus beaux sites. Illustrations supplémentaire de la théorise qui m'est chère selon laquelle l'esthétique est un révélateur en général très précieux et relativement exact de la qualité morale et intellectuelle, cette manifestation si vilaine, le Tour de France, s'affiche depuis plusieurs années, mais tout spécialement cet été, comme la plus irrémédiablement pourrie jusqu'au fond des moelles. Cette activité qui ne fait rien pour le corps et sans doute fort peu pour l'intelligence, disputer des courses cyclistes, se révèle de la façon la plus criante (le vainqueur américain du Tour de France est déchu de son titre, dans des conditions où la farce joue un rôle essentiel) inséparable d ela tricherie, du mensonge, de l'association de malfaiteurs, de la compromission profonde des régulateurs eux-mêmes, des soigneurs et des médecins.

Auteur: Camus Renaud

Info: L'Isolation : Journal 2006, p. 331

[ vacherie ]

 

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