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perdants

Une armée clandestine, lorsqu'elle s'est battue pour une cause qui a triomphé, devient régulière et ses troupes sont portées en triomphe. Une armée qui s'est battue pour une cause perdue ne connaît que l'opprobre: "Tant il est vrai, dit le cardinal de Retz, que le bon ou le mauvais événement est la règle ordinaire des louanges ou du blâme que l'on donne aux actions extraordinaires." La Fronde a été vaincue. La Vendée aussi : il aura fallu près de deux siècles pour que le courage des Vendéens soit célébré.

Faudra-t-il attendre aussi longtemps pour que soit reconnue la valeur d'hommes qui se sont engagés dans des guerres modernes aux causes diverses, aujourd'hui dépassées. Si les temps et les motivations ne sont pas les mêmes, les hommes, eux, ne changent pas. Il y a toujours des courageux et des lâches, des vainqueurs et des vaincus. Franklin n'est pas un traître. Chateaubriand, La Rouërie ne sont pas non plus des traîtres. Ne peut-on rendre son honneur au courage malheureux ?

Auteur: Mohrt Michel

Info: Tombeau de La Rouërie

[ question ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

désillusion

Avant Valérie, en fait, je n’avais rencontré aucune fille qui arrive à la cheville des prostituées thaïes ; ou alors peut-être quand j’étais très jeune, avec des filles de seize ou dix-sept ans, j’avais pu ressentir quelque chose. Mais dans les milieux culturels que je fréquentais, c’était carrément la catastrophe. Ces filles ne s’intéressaient pas du tout au sexe, mais uniquement à la séduction – et encore il s’agissait d’une séduction élitiste, trash, décalée, pas du tout érotique en fait. Au lit, elles étaient tout bonnement incapables de quoi que ce soit. Ou alors il aurait fallu des fantasmes, tout un tas de scénarios fastidieux et kitsch dont la seule évocation suffisait à me dégoûter. Elles aimaient parler de sexe, c’est certain, c’était même leur seul sujet de conversation ; mais il n’y avait en elles aucune véritable innocence sensuelle. Les hommes, d’ailleurs, ne valaient guère mieux : c’est une tendance française, de toute façon, de parler de sexe à chaque occasion sans jamais rien faire ; mais ça commençait à me peser sérieusement.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Plateforme

[ femmes-par-homme ] [ libido ] [ théorie-pratique ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini

démocrature

- L'erreur de Poutine n'est-elle de penser les démocraties faibles par nature ? 

- C'est un grand lecteur d'Ivan Ilyne, philosophe conservateur du début du XXe siècle qui a essayé de penser l'après-communisme. Poutine a encore dit en octobre dernier que c'était son auteur de chevet. Ilyne déploie une critique de ce qu'il appelle la démocratie formelle, fondée sur les règles de droit et qui présuppose une alternance rapide des représentants.  

Depuis les années 2000, Poutine est convaincu de la faiblesse de ce modèle. Il y a la volonté de le remplacer par un autre, que j'appelle "démocratie d'acclamation", un pouvoir fondé sur l'enthousiasme ressenti par le peuple face à la force, à la ténacité de son guide, réélu de manière systématique et qui porte un grand projet civilisationnel. Sauf que les règles de la démocratie ne sont plus respectées : une absence de débat contradictoire, des fraudes aux élections, la justice aux ordres et des partis d'opposition qui n'ont plus le droit d'exister.  

Auteur: Eltchaninoff Michel

Info: https://www.lexpress.fr/, interview de Clément Daniez le 3 avril 2022

[ russie ] [ bonapartisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

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C'est dans cette phase de la guerre, dans les combats incertains des jours suivant la bataille de la Marne, au milieu de ce bois de la Tranchée de Calonne où se trouvait le régiment de Maurice Genevoix, que fut tué l'auteur du Grand Meaulnes. Parmi les cris, les appels et les plaintes qu'il avait entendus venir de la forêt, il y avait eu la voix du lieutenant Henri-Alban Fournier, dit Alain-Fournier, homme des bords de Loire comme lui, son prédécesseur à la khâgne de Lakanal, à peine plus âgé et déjà connu dans le Paris littéraire. Au milieu de la forêt meusienne où disparaissait un écrivain français, un autre naissait. Maurice Genevoix était sans superstition, mais il croyait à une sorte d'équilibre supérieur dans les choses du monde. La guerre y faisait un trou aveugle, puis l'univers se reformait, comme la surface de la mer. Ce qu'elle avait enlevé à la littérature française sur les Côtes de la Meuse, la guerre le lui avait rendu au même endroit.

Auteur: Bernard Michel

Info: Pour Genevoix

[ ww1 ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

cosmopolitisme

La Genèse [11 : 1-9] nous apprend que Dieu, fâché de voir la tour de Babel s’élever jusqu’aux cieux, décide de brouiller le langage des hommes et de les disperser à la surface de la Terre ; le texte oublie probablement de préciser qu’un morceau de cette tour a dû atterrir au cœur de marais, au nord de la Gaule, là où les peuples sont les plus braves (car les plus barbares) selon les dires de Jules César, et donner naissance à… Bruxelles !
Bruxelles la cosmopolite, la multilingue, la capitale. Bruxelles, dont la géographie et la démographie rappellent une ville de campagne. Bruxelles, que les touristes traversent en quelques heures, qui ploie sous sa complexité et ses identités multiples. Bruxelles aux mille visages, une cité au cœur de l’Europe, où les communautés vivent (presque toujours) en paix et harmonie tant elles se croisent sans jamais chercher à se rencontrer. Bruxelles, enjeu réel de toutes les querelles belges… Bruxelles, épouvantail européen agité en tous sens par les europhobes… Bruxelles…

Auteur: Dufranne Michel

Info: Bruxelles Noir

[ ouverture ] [ mégapole ]

 

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désenchantement

Le supermarché est l’authentique paradis moderne ; la lutte s’arrête à sa porte. Les pauvres, par exemple, n’y entrent pas […] Les boîtes de nuit offrent un tableau tout différent Beaucoup de frustrés continuent –contre toute espérance- à les fréquenter. Ils ont ainsi l’occasion de vérifier, minute après minute, leur propre humiliation ; nous sommes ici beaucoup plus proches de l’enfer. Il existe ceci dit des supermarchés du sexe, qui produisent un catalogue assez complet de l’offre porno ; mais l’essentiel leur manque. En effet, le but majoritaire de la quête sexuelle n’est pas le plaisir, mais la gratification narcissique, l’hommage rendu par des partenaires désirables à sa propre excellence érotique. C’est d’ailleurs pour cela que le sida n’a pas changé grand-chose ; le préservatif diminue le plaisir, mais le but recherché n’est pas, contrairement au cas des produits alimentaires, le plaisir : c’est l’ivresse narcissique de la conquête. […] Enfin on peut ajouter, pour être complet, que certains êtres porteurs de valeurs déviantes associent la sexualité et l’amour.

Auteur: Houellebecq Michel

Info:

[ couple ] [ pessimisme ]

 

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estime de soi

Écrire des livres, écrire des livres. Épicure en écrivit trois cents, et aucun n’est resté.

Si une page, si une " pensée " de moi pouvait me survivre, ce serait suffisant. Et d’ailleurs, cela n’a aucune espèce d’importance. Ce n’est pas le respect de la postérité, ni, bien entendu, du présent, qu’il faut recherche, mais le respect qu’on a de soi-même, c’est cela qui importe : être en règle avec soi, tout est là. Et c’est parce que je n’y suis pas parvenu que je suis en porte-à-faux partout et toujours. 

Ce qui importe, ce n’est pas ce que les autres pensent de nous, mais ce que nous en pensons nous-mêmes dans le plus profond de notre être. Si nous nous estimions sincèrement, réellement, tous les mortels pourraient cracher sur nous, que nous ne nous en apercevrions même pas. Mais le difficile est d’être vraiment persuadé que la bonne idée qu’on a de soi correspond à celle même Dieu s’est faite de nous. 


Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Cahiers : 1957-1972 [1997], p.596

[ amour-propre ] [ indépendance ] [ autonomie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

deuil

La mort de quelqu'un qu'on aime [...] La philosophie semble sur ce sujet bien pauvre en consolations véritablement efficaces. [...] Certes, on peut trouver ici ou là des idées utiles, mais aucune ne permet efficacement de recouvrer tout de suite la station debout quand on a mis un genou en terre. Sauf...
Sauf si l'on part du principe que le mort est un héritage, que le disparu a légué ce qu'il fut et que, quand on a eu la chance d'avoir eu un père et une compagne ayant confiné à la sainteté laïque par leur bonté, il nous reste à leur rendre le seul hommage qui soit : vivre selon leurs principes, être conforme à ce qui faisait d'eux des personnes aimées, ne pas laisser mourir leur puissance d'exister dans leur générosité d'être en la reprenant comme on relève un étendard tombé au sol après un combat, agir sous leur regard inexistant et leur rester fidèle en incarnant leurs vertus, en épousant leur art de produire de la douceur.

Auteur: Onfray Michel

Info: Cosmos, p 31

[ amour ] [ couple ]

 

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précipitation

Notre mode de vie actuel, l'omniprésence et le potentat des médias, le piège du matérialisme, l'accélération permanente de nos quotidiens nous ont peu à peu conduit à confondre vie et existence, vie et agitation, vie et frénésie. Cela s'est fait avec notre consentement implicite, voire même à notre demande. Toujours plus, toujours plus vite, voilà notre slogan, notre leitmotiv, mais pour faire quoi ? Pour se réveiller un jour, quel que soit l'âge, malade ou déprimé et faisant le triste constat d'être passé à côté de soi-même, à côté de sa vie ?

Notre société, notre éducation et aussi une certaine facilité, nous ont conduits à rechercher la satisfaction de nos désirs sur et vers l'extérieur. Nous apprenons donc à gérer, maîtriser, dominer, posséder ou communiquer avec cet extérieur. Cette course à l'échalote nous éloigne chaque jour un peu plus de nous-mêmes et nous vide de notre propre substance. Seules la mort ou la maladie nous ramènent, par obligation et par force, face à nous-mêmes. A ce moment-là, le désarroi est grand.

Auteur: Odoul Michel

Info: Dis-moi où tu as mal : Je te dirai pourquoi

[ emballement ] [ fuite en avant ] [ folie ] [ inconséquence ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

autoportrait

Par la réflexion et par l’expérience intérieure, j’ai découvert que rien n’a de sens, que la vie n’a aucun sens. Il n’empêche que tant qu’on se démène on projette un sens. Moi-même, j’ai vécu dans des simulacres de sens. On ne peut pas vivre sans projeter un sens. Mais les gens qui agissent croient implicitement que ce qu’ils font a un sens. Autrement ils ne se démèneraient pas. Si on tire la conclusion pratique de ma vision des choses, on resterait ici jusqu’à notre mort, on ne bougerait pas, cela n’aurait aucun sens de quitter le fauteuil où on est. Mon existence en tant qu’être vivant est en contradiction avec mes idées. Puisque je suis vivant, je fais tout ce que les vivants font, mais je ne crois pas à ce que je fais. Les gens croient à ce qu’ils font, car ils ne pourraient pas le faire autrement. Je ne crois pas à ce que je fais, mais j’y crois un peu malgré tout : c’est à peu près ça ma position.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Entretiens

[ profession de foi ] [ positionnement ]

 
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Ajouté à la BD par miguel