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passe-temps

Rien n'était jamais comme il fallait. Les gens se raccrochaient aveuglément à ce qui existait : communisme, alimentation saine, zen, surf, ballet, hypnotisme, rencontres de groupe, orgies, vélo, herbes, catholicisme, haltérophilie, voyages, retraites spirituelles, végétarisme, Inde, peinture, écriture, sculpture, composition, direction d'orchestre, voyages en sac à dos, yoga, copulation, jeux d'argent, boisson, traînasser, yaourt glacé, Beethoven, Bach, Bouddha, Le Christ, jus de carotte, suicide, costumes faits main, voyages en jet, New York City, et puis tout s'est évaporé et s'est effondré. Les gens devaient trouver des choses à faire en attendant de mourir. Je suppose que c'était bien d'avoir le choix.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Women

[ vivre ] [ passer le temps ] [ occupations ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

solitude

certaines personnes me disent que je suis
célèbre.

alors qu’est-ce que je fais seul
à boire et à écrire des poèmes
à 3 heures 18 du matin ?

je suis plus fou que jamais
et ils ne peuvent pas comprendre

que c’est toujours comme si je voulais sauter
du 4e étage
et que même
assis là
maintenant en train d’écrire
je me balance dans le vide
et que l’impression est identique
au 68e, 72e ou 101e étage
mais que ça n’a rien à voir avec l’héroïsme,
que c’est banal
et indispensable.

il est 3 heures 24 du matin
je bois et j’écris des poèmes.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pages 294-295, "plus fou que jamais"

[ dérailler ] [ aspiration du néant ] [ pulsions suicidaires ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

autoportrait

Il n’y a rien que je déteste plus que de croiser mon reflet dans un miroir, et pourtant je m’y résolus. L’image même d’un homme défait et vaincu. D’énormes valises noires autour d’yeux minuscules et craintifs. Tout à fait l’air d’un rat pris au piège par un chat impitoyable. Ma peau se débandait de toutes parts, comme si elle avait haï le corps qu’elle enveloppait. Mais le pire, c’étaient mes sourcils, pareils à des rideaux en bout de course et qui ne laissaient filtrer que le regard d’un dément. Horrible. A gerber. Et de plus, j’avais les intestins bloqués. Incapable d’en mouler un.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Pulp", trad. Gérard Guégan, éd. Grasset & Fasquelle, 1995, page 80

[ dégoût ] [ dévalorisant ] [ moche ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

intellectuels

J’ai lu les philosophes. Ce sont de curieux personnages, ni moroses ni émasculés, de vrais joueurs. Descartes, par exemple, à peine entre-t-il dans la partie qu’il fait monter les enchères : nos prédécesseurs n’ont dit que des conneries. Et d’affirmer que les mathématiques constituent l’indiscutable moyen de découvrir la vérité. Beauté de la mécanique. Puis rapplique Hume qui conteste toute approche scientifique de la connaissance. Après quoi, c’est au tour de Kierkegaard d’abattre son jeu : "J’enfonce mon doigt dans le cours de ma vie – il ne sent rien. Quel est mon avenir ?" Et enfin survient Sartre qui proclame l’absurdité de toute existence…

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Le capitaine est parti déjeuner et les marins se sont emparés du bateau", trad. Gérard Guégan, page 14

[ panorama des idées ] [ délire ] [ audace ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

playboy

On passe dans l’autre salle. C’est là qu’est Tab Jones. Il chante. Sa chemise est ouverte sur sa poitrine velue. Les poils noirs luisent de transpiration. Il porte une grande croix en argent sur sa toison en sueur. Sa bouche est un trou répugnant au milieu d’une crêpe. Il a un pantalon très serré et un godemiché. Il empoigne ses couilles et chante tous les trucs agréables qu’il peut faire aux femmes. Il chante vraiment mal, je veux dire, c’est vraiment une horreur. Ce qu’il peut faire aux femmes, c’est bidon, tout ce qu’il veut, c’est enfoncer sa langue dans le trou du cul d’un mec.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Hollywood", trad. Michel Lederer, Le livre de poche, pages 24-25

[ imposteur ] [ description ] [ concert ]

 

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saturation

Maintenant il y a des centaines de milliers d’écrivains et des milliers de revues littéraires et des tas d’éditeurs et des tas de critiques, mais principalement, des centaines de milliers d’écrivains. Imaginons que t’appelles un plombier demain. Il viendra chez toi avec son serre-tube dans une main, son déboucheur dans l’autre, et un petit livret de ses madrigaux choisis rangé dans la poche arrière près de son trou du cul. Même un kangourou au zoo, va le voir, tu peux être sûr qu’après t’avoir reluqué un moment il sortira une liasse de poèmes de sa poche, dactylographiés, interligne simple sur papier imperméable 21 x 29.7 /format A4.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Sur l'écriture", lettre à Carl Weissner, 23 février 1981

[ phénomène de masse ] [ insignifiance ]

 

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interprétation psychanalytique

Vous racontez ce rêve à un Bobo-la-Tête, et il vous l’interprète de la pire façon. Etant donné tout le fric que vous lui lâchez, il a intérêt à vous casser le moral. Selon lui, l’étron symbolise ce pénis qui vous effraie tant mais dont vous avez envie. Une connerie de ce genre. Alors qu’en vérité, ce qu’il vous cache, c’est que le pénis le terrifie et qu’il aimerait bien se le prendre dans le fion. Or ce n’est qu’un rêve, un rêve où un éléphant lâche son étron, et rien d’autre. Pourquoi vouloir toujours trouver du sens à tout ? Le meilleur interprète du rêve, c’est le rêveur lui-même.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Pulp", trad. Gérard Guégan, éd. Grasset & Fasquelle, 1995, page 94

[ à côté de la plaque ] [ obsession sexuelle ]

 
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interview

- Que faites-vous quand vous n’écrivez pas ?
- Les chevaux. Je parie sur eux.
- Ils vous aident à écrire ?
- Oui. Ils m’aident à oublier que j’écris.
- Vous buvez dans ce film ?
- Oui.
- Vous trouvez que c’est courageux de boire ?
- Non, mais rien d’autre ne l’est.
- Que signifie votre film ?
- Rien.
- Rien ?
- Rien. Reluquer le cul de la mort peut-être.
- Peut-être ?
- Peut-être signifie que ce n’est pas sûr.
- Qu’est-ce que vous voyez quand vous regardez le "cul de la mort" ?
- La même chose que vous.
- Quelle est votre philosophie de l’existence ?
- Penser le moins possible.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Hollywood", trad. Michel Lederer, Le livre de poche, page 230

[ questions stupides ] [ réponses laconiques ] [ dialogue ]

 

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emmerdements

J'avais besoin de vacances. J'avais besoin de 5 femmes. Besoin d'enlever la cire de mes oreilles. Ma voiture nécessitait une vidange. Je n'avais pas rempli ma satanée déclaration de revenus. Une des branches de mes lunettes de lecture s'était cassée. Il y avait des fourmis dans mon appartement. J'avais besoin de me faire nettoyer les dents. Mes chaussures étaient usées au niveau des talons. J'étais insomniaque. Mon assurance automobile avait expiré. Je me coupais à chaque fois que je me rasais. Je n'avais pas ri depuis 6 ans. J'avais tendance à m'inquiéter quand il n'y avait rien à craindre. Et quand il y avait quelque chose à craindre, je me soûlais.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Ecrit en 1990

[ ennuis ] [ soucis ] [ alcool remède ] [ tracas ]

 

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fils-père

Autre chose, pour avoir observé de près mon père, ce monstre décervelé qui m’avait éjaculé sur cette terre de douleur, j’en avais déduit qu’un individu pouvait travailler sa vie entière et finir fauché comme les blés ; lui-même, il avait, mois après mois, dépensé l’argent de son salaire en acquérant les biens de consommation dont il pensait avoir besoin, des biens nullement précieux : voitures, lits, postes de radio, aliments, vêtements, bref, des biens aussi surestimés que les femmes, raison pour laquelle il tira la langue toute sa vie, mais même mort il remit ça en offrant, ultime folie des grandeurs, un magnifique cercueil de chêne massif à la vermine aveugle de l’enfer.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Un carnet taché de vin", page 59

[ capitalisme ] [ aliénation ] [ asservissement ]

 

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