En français, certains mots portent en eux une étrange contradiction : le même signifiant désigne à la fois une chose et son contraire. Ainsi en va-t-il du mot " avant ", qui indique à la fois ce qui précède dans le temps (avant-hier) et ce qui s’ouvre devant (regarder vers l'avant, ou l’avant d’un navire). Le passé et le futur se confondent donc dans un seul et même terme, comme si la langue refusait de trancher entre ce qui vient et ce qui est venu.
De même, le mot " personne " peut exprimer l’absence absolue (il n’y a personne) ou, au contraire, la présence incarnée d’un être unique (seule une personne s'est présentée). Le vide et la plénitude partagent ici la même forme verbale.
Ces retournements révèlent une souplesse profonde de la langue, capable de loger en un seul mot des réalités opposées. La simplicité apparente du vocabulaire courant cachant ainsi une subtilité sémantique contextuelle qui représente peut-être quelque économie suprême du signe.
Ces enantiosémies se retrouvent dans beaucoup d'idiomes humains.